Parler d’immatriculation des vélos, c’est entretenir un dialogue de sourds avec des automobilistes qui veulent voir disparaitre toutes les entraves sur la route, sans égard pour la raison.
Sur la question de l’immatriculations des vélos, j’ai l’impression que tout a été dit. Mille fois.
Mais quelque chose m’a sauté au visage en lisant le papier du Devoir sur le sujet : une certaine mauvaise foi qui fait que la raison n’aura jamais raison ici.
Les yeux grand fermés
Vous avez beau avoir les meilleurs arguments au monde, encore faut-il que la partie adverse accepte de les entendre.
Par exemple?
Que les immatriculations des voitures ne financent qu’une fraction des infrastructures routières. Des routes qui ne sont utilisées que de manière anecdotique par les vélos, mais endommagées à 99,9999999999999% par les voitures, et plus encore les VUS et les véhicules lourds.
Or, les cyclistes paient déjà pour ces routes. Plusieurs détiennent un véhicule et donc l’immatriculent. Ils sont locataires ou propriétaires et paient donc des taxes qui financent le « parc » autoroutier. Ils sont aussi des citoyens et des travailleurs qui paient des impôts, aussi fort utiles pour s’offrir de « la belle sphatte ». Sans parler des taxes « cachées » à la consommation, puisque les services de transport défraient une importante part de ce financement, et que la facture nous est refilée chaque fois que nous achetons un chou, un matelas ou un 2×4.
Mais chaque fois, aussi, qu’une personne prend son vélo pour aller faire des courses, se rendre au bureau ou conduire les enfants à l’école, c’est une voiture de moins dans le trafic et un peu moins de poids sur le réseau qui use… à l’usage.
Pour les automobilistes en faveur de l’immatriculation des vélos, ces arguments ne tiennent pas la route. Je parle bien entendu de celle dont ils devraient pouvoir jouir sans entrave, dans une version bitumée de mai 68 imaginée par les chantres des radios populistes où les hippies devenus yuppies sont désormais des réactionnaires de première.
Ce qu’ils veulent, c’est des vélos sur les pistes cyclables, au pas, qui respectent toutes les règles qu’eux ne respectent pas.
Comme la vitesse maximum, attendre trois secondes à un arrêt obligatoire, ne pas foncer quand la lumière vire au jaune… et ainsi de mettre en danger la sécurité des autres utilisateurs de la route.
Et l’hypocrisie aussi
Les cyclistes sont aussi des humains : imparfaits. Le code de la route leur est imposé aussi. Et il est vrai que l’on n’est peut-être pas assez sévère à notre endroit (je pense entre autres au respect des piétons par les cyclistes, qui fait souvent défaut).
Mais je crois que le fond de la question est… existentiel. Ça gosse les gens en auto de voir du monde sur la même route qu’eux à vélo. Qui vont moins vite, qui les obligent à attendre pour dépasser…
Chose certaine, sur le plan idéologique, leur posture est souvent contradictoire.
Car il y a quelque chose d’absolument désolant et en même temps d’assez intéressant à constater que ce sont régulièrement les défenseurs de la liberté individuelle (et qui dénoncent l’ingérence de l’état dans leurs vies) qui sont les mêmes à maudire la liberté des cyclistes à utiliser les voies publiques (retenez bien cet adjectif : public).
En s’appuyant sur l’anecdotique (on a toujours une bonne histoire d’un cycliste qui grille un feu rouge pour soutenir ses arguments), ils font fi des statistiques, de la science, de la raison encore une fois.
Par exemple, celle qui commande que les plus grands utilisateurs de nos routes devraient payer leur juste part.
Après tout, dans un monde « de droite », plus tu roules, plus tu paies, non?
Au premier qui lèvera la main pour vitupérer qu’il paie déjà amplement sa part en taxes chaque fois qu’il fait le plein de son pickup utilitaire (j’exclue ici les personnes qui l’emploient au travail et pour qui, de toute manière, il s’agit d’une dépense déductible) ou qu’il immatricule son VUS, je répondrai : c’est un choix que tu fais, buddy.
Tu peux rouler dans une auto qui fait du 7 litres au 100km, mais tu décides de ne pas le faire et d’acheter un véhicule lourd, dont il a été démontré qu’il est plus dangereux pour tous les autres utilisateurs de la route. T’as l’doua. Mais ça coûte de quoi.
C’est drôle, d’un côté, rien n’indique que l’immatriculation des vélos apporte quoi que ce soit de positif. Mais si vous y tenez absolument, pas de trouble, je verserai 100$ par année pour ma « plaque » de bécyk… à condition qu’on établisse une taxe kilométrique pour les automobilistes. Tsé, ceux qui, par leur usage abusif contribuent plus largement que la moyenne à l’usure des routes et causent le trafic.
Au cas où vous trouvez cette idée débile, extrémiste, digne d’un enverdeur de première classe, je vous signale qu’elle a été proposée par la Chambre de Commerce du Montréal métropolitain. Une association de communistes notoires, comme chacun le sait.