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Le blogue de David Desjardins

Pogačar refuse de vaincre sans péril

07-05-2024

Sur la couverture du magazine, on peut lire, en italien: Amusons-nous!

J’écris ceci au troisième soir d’un Giro qui parait écrit d’avance, mais dont l’auteur semble déterminé à multiplier les ressorts dramatiques. Malgré l’évidence de sa force dominante, Tadej Pogačar refuse de faire du Tour d’Italie un snoozefest.

Il reste un peu plus d’un kilomètre. Dans la petite montée vers Fossano, avant une arrivée de plat, promise aux sprinteurs, le Slovène échevelé tourne la tête pour voir ce qui se trame derrière. Quand le Danois Mikkel Honoré tente le coup -son équipe, EF Pro Cycling, ne dispose pas de marchand de vitesse pour cette étape-, il suit. Dans son sillage, son plus proche poursuivant au classement général, Geraint Thomas, décide de ne pas se laisser assommer.

S’ensuit ce qui arrive de plus beau au cyclisme depuis quelques années : le splendide étalage de géants qui refusent la facilité. Le spectacle passe avant la victoire. Celle-ci revient si souvent, anyway….

À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, semblent se dire les Pogačar et van der Poel de ce monde cycliste où l’attentisme n’est plus roi.

Retour à cette troisième étape du Giro. Les animateurs hurlent à en faire péter leurs micros. Honoré est largué, incapable de soutenir le tempo. Sur le plat, désormais, Pogi impose un rythme d’enfer. Thomas peine à suivre, mais prend parfois des relais. Le duo se fait reprendre à environ 200m de la ligne. Mais le spectacle était génial.

Jusque dans les réseaux sociaux par la suite où ça se trolle et ça se tire la pipe.

On a là deux solides rigolos, auréolés de lauriers jaunes, qui s’amusent comme de jeunes fous qui s’adonnent aux sprints de pancartes. C’est proprement génial.

Évidemment que ça ne fait que commencer. Oui, on le sait, Pogačar est sans doute son pire ennemi dans ce Giro, et celui de son équipe, qu’il menace d’épuiser avant même d’avoir mis le pied dans la haute montagne où les attendent des étapes monstrueuses (les étapes 15, 16 et 17 cumulent toutes plus de 4000m de dénivelé, dont une à plus de 5000m).

Mais c’est exactement ce qui en fait un spectacle aussi épatant. Pogi est brillant. Il sait bien qu’il est lui-même en train de hisser une épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Il le fait tout de même. Pour le spectacle. Parce qu’il ne suffit pas de gagner. Il faut triompher. Et s’amuser aussi. Parce que c’est l’autre truc avec ce champion hors normes : il fait tout avec un sourire, sans une once d’animosité. Le fou a pris le siège du roi.

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