Une récente étude montre qu’aux yeux de ceux qui les détestent, les cyclistes ne sont pas vraiment des humains. Mon niveau de surprise? Moins un.
Je ne suis pas un cycliste. Je ne suis pas un père. Je ne suis pas un chroniqueur, ni un publicitaire. Non plus un amateur de films d’action minables, un lecteur, un homme, un Blanc, un hétéro, un X.
Je suis tout ça et bien plus encore.
Nous sommes des êtres complexes, avec des histoires qui nous sont propres et des manières de penser et d’être qui méritent mieux que les petites cases dans lesquelles on tente de nous ranger trop souvent.
Ce « on » inclut évidemment la personne qui parle : nous réduisons tous, parfois, les autres à des étiquettes. Mon niveau de surprise en lisant l’article du Devoir sur la déshumanisation des cyclistes avoisinait donc le zéro. Voire moins un.
D’autant que j’ai écrit, de manière plus large, sur le sujet dans L’actualité récemment.
Mais comment ça opère?
Simplement en réduisant les gens à un trait de leur personne, pour ensuite généraliser, et former un groupe sur lequel on peut déverser sa colère. Ça peut être la religion, le fait de conduire un pick up, d’écouter du Nickelback ou d’être cycliste.
La haine au temps des internets
Ce n’est pas un phénomène nouveau, au contraire. Toute l’idée du racisme et du clanisme repose là-dessus. Mais dans notre époque de prêt-à-penser numérique où le mème passif-agressif est élevé au rang d’argument scientifique, cette tendance à ranger les gens dans des catégories est amplifiée jusqu’à fucker l’ordre de nos démocraties. Nous ne sommes plus des individus, mais bien les étiquettes qu’on nous accole. Et avec, un ensemble de stigmates préformatés, généralement négatifs, copieusement exploités par des médias en quête d’un auditoire.
Dans certains discours, le cycliste est donc automatiquement :
- Un gauchiste
- Un militant environnementaliste
- Un intellectuel
- Un anti-voiture
- Un anarchiste
- Un pauvre qui peut pas se payer de char
- Un défenseur du tramway à Québec
- Un membre de Québec solidaire
- Un crotté qui paye pas de taxes
- Un tata fagoté comme s’il allait prendre part au Tour de France
- Un danger public
Ces « arguments », répétés ad nauseam, finissent par devenir autant de vérités. Si bien qu’on oublie qu’on quelqu’un devant soi sur la route. Mais plutôt, simplement, une nuisance. Et que les quelques cyclistes matamores que l’on a croisé constituent une norme qui vient confirmer tout cela.
Donc, devant soi, le cycliste n’est pas un humain. C’est une idée qui nous ronge de l’intérieur et sur laquelle déverser tout le stress de sa vie, en particulier celui qui vient avec la conduite d’une automobile en zone urbaine.
Des solutions?
Lorsqu’on me demande quoi faire pour contrer ce phénomène, j’avoue que la tâche me paraît démesurée. Mais on peut commencer par soi-même. Soit réhumaniser les gens qui ont des comportements que nous associons à des « colons », des « mauvaises personnes », etc. Ce sont vos voisins, votre belle-sœur, votre cousin, après tout.
Et il serait temps qu’on le rappelle aussi le plus souvent possible à celles et ceux qui publient des trucs débiles sur les réseaux sociaux. Comme ce mème, vu récemment, où l’on se console de n’avoir pas écraser un animal… mais seulement un cycliste. Remplaçons cycliste par père, mère, frère, ami, fils du voisin, commis du dépanneur du coin… Ne faisons que cela. Rappelons que nous ne sommes pas des étiquettes dès que c’est possible.
Pour le reste, je ne sais pas. J’ignore la solution miracle. Sinon qu’il faut continuer de prendre la rue, encore et encore, et surtout de ne jamais céder à l’intimidation.