Mes premières sorties de printemps sont aussi précédées de milles questions et autant de moments d’exaspération.
J’hésite entre skier et rouler. Pourquoi pas l’un le matin et l’autre en après-midi?
Quoi qu’il en soit, j’irai rouler. J’ai trop hâte. Le soleil darde le bitume de ses premiers rayons chauds. Je n’en peux plus du rouleau, même si j’en profite pour regarder les courses de la fin de semaine en suant au sous-sol.
Inventaire vestimentaire
Ce sont les préparatifs qui m’ennuient quand il fait si froid. Surtout les premières fois de l’année. J’ai beau ranger mes vêtements dans des bacs spécifiquement identifiés à chaque début d’hiver, je cherche toujours un truc quelques mois plus tard. Une casquette. Une paire de gants. Des couvre-chaussures.
Je fouille. Je sacre. Je bardasse. Ma fiancée me hurle d’en haut, tandis que je tempête au sous-sol :
-Qu’est-ce que tu cherches?
-Les 7 boules de cristal
-Anh?
-Laisse faire, c’est une joke de Tintin.
Elle déteste Tintin. J’aurais dû dire que je cherche l’Arche perdue.
Je finis par trouver. Pour m’assurer d’avoir ce qu’il faut, j’étends tout au sol, comme pour les photos Instagram de gens qui veulent nous montrer ce qu’ils emportent en expédition ou mettent dans leur sac pour participer à je-ne-sais-quelle-aventure dont je me contre-saint-ciboirise. Ça et les photos de vos repas, je n’en peux plus, je suis repu. N’en jetez plus, le Cloud est plein.
Je place tout en forme d’humain. Je regarde de haut. On dirait un bonhomme inanimé, en deux dimensions. Il y a mes couches de base. Ma veste de printemps la plus chaude. Mes cuissards longs doublés avec une protection contre le vent.
Le pire, pour le froid, c’est toujours les pieds et les mains. Je suis atrocement frileux. Je prends mes chaussures de printemps, je couvre tous les espaces d’aération avec du duct tape. J’enfile des bas imperméables, mes chaussures et des couvre-chaussures (j’en ai quatre sortes, selon la température : néoprène très épais pour le grand froid et la pluie, Windstopper pour le vent fort, silicone pour la pluie diluvienne et tricot de polyamide quand ça devient limite d’en porter). Même chose pour les mains : je mets une première couche, puis je choisis entre mes trois sortes de gants de ski. Dans le pire des cas, j’y vais pour la pince de homard Swix que je ne mets que par temps glacial.
J’ai la même casquette de printemps depuis au moins 10 ans. Modèle belge, avec couvre-oreilles. Je n’en changerais pas. Je m’enfonce le visage dans mon col et je suis prêt.
Surtout ne pas crever
L’enthousiasme printanier fait parfois oublier l’essentiel : la dernière chose que l’on souhaite lorsqu’on a chaud et qu’il fait froid, c’est de faire le pied de grue sur le bord du chemin pour réparer un bris mécanique ou, plus fréquemment, une crevaison.
Au diable les pneus qui procurent une agréable conduite : allons-y pour le tank. Le bon vieux Gatorskin. Niveau de plaisir de la sensation de roulement: zéro. Chances de crever : presque nulles.
Je m’assure d’avoir de quoi réparer rapidement quoi que ce soit. Et des vêtements de rechange pour les variations de température dans les poches arrières.
La préparation m’a parue interminable, mais les premiers coups de pédale dans l’air frais effacent tous ces irritants. Mission : partir dans un sens jusqu’à avoir un peu froid, revenir complètement glacé, préférablement dans un état si dégueulasse qu’il réclame que je retire tous mes vêtements dans le vestibule de la maison pour ne pas étendre la saleté partout. Le plus dur : extraire de leurs protections devenues inefficaces mes extrémités rendues exsangues par le froid puis aller les brûler sous la douche.
Raconté comme ça, on dirait un cauchemar.
Pourtant, c’est un de mes jours favoris de l’année.