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Le blogue de David Desjardins

Souffrir : aimer le mal

25-03-2025

Pogi, Ganna et van der Poel, lors d’une classe de maître en dolorisme à Milan-Sanremo (Crédit: Comité organisateur de Milan-Sanremo)

Le masochisme est une forme de perversion sexuelle. Le dolorisme, c’est autre chose. Soit une sorte de doctrine qui vante les vertus morales de la douleur.

Entre les deux, il y a cette espèce de plaisir et de satisfaction à la fois intellectuelle et animale qui fait de la souffrance une source d’amusement, de dépassement. (J’omets ici de désigner la chose comme une source de plaisir, ce qui pourrait encore renvoyer à la sexualité).

Sur le vélo, souffrir peut devenir un jeu. Un défi qu’on se lance. Jusqu’où puis-je aller? Combien de temps vais-je tenir? Suis-je capable de faire taire cette voix qui, dans le cerveau de l’humain, appelle à faire cesser toute activité qui provoque de l’inconfort, voire de la douleur? Puis-je encore me faire assez mal pour tenir dans la roue d’Untel. Ou le semer.

J’ai de nombreux amis cyclistes qui dédaignent l’entraînement par intervalles, et plus encore si celui-ci est pratiqué à l’intérieur. Ils ne me suivent pas dans mes montées du chemin d’accès du Mont Ste-Anne à pleine vitesse, à répétition. Ils ne comprennent pas comment je peux m’astreindre à souffrir en salle avec un groupe, ou pire, seul dans mon sous-sol. Je les comprends. Ce genre de pratique demande une forme d’engagement pour s’installer devant un écran et s’exploser les jambes, râler comme un lama en furie et suer sa vie. Il faut en avoir envie.

Puis, c’est le contraire de notre monde à crédit. « Payez maintenant pour en profiter plus tard. »

Mais il y a aussi, en soi, dans l’acte même de cette souffrance, une force d’apprentissage de ses propres limites et de leur franchissement qui est exaltant. Tenir bon, pendant les dernières secondes d’un effort où tout ce qui compose votre raison vous somme d’arrêter est une victoire contre soi-même.

Je n’en connais pas de plus belle ni de plus gratifiante.

Bien sûr, il y a le bénéfice ultérieur : j’irai plus vite, plus longtemps, plus fort, lors de mes sorties régulières, ou en compétition, ou lors des défis que l’on se lance entre amis.

Sauf qu’il faut aimer la douleur au moment où on la vit pour mieux en apprécier les vertus. Ça sent la transpiration. Ça goûte le sang dans la bouche à force de s’être fait péter des vaisseaux sanguins dans les poumons.  Ça brûle les yeux en raison de la sueur abondante qui vous coule du front. On descend du vélo, chancelant. On s’assoit pendant un moment pour retrouver ses esprits. Mais pas tout de suite. On ne pense à rien du tout pendant encore quelques minutes. Un flottement de vide sidéral de la pensée nous garde en apesanteur dans un monde de vitesse et de chevauchement d’obligations.

Quel bonheur de se faire si mal que l’on parvienne à s’oublier pour un moment.

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