Il est plus que temps que les médias cessent de publier des articles ou de dire en ondes qu’un cycliste a été happé par une voiture. Ce n’est pas vrai. La réalité, c’est qu’une personne à vélo a été tuée par une personne en auto. Point. Et oui, la distinction est importante.
Les mots ont un poids. Parfois celui de notre conscience.
Aussi, il est temps que nos consorts du milieu journalistique prennent acte de ceci, une fois pour toute : jamais une automobile n’a tué un cycliste.
Même dans le cas d’une voiture autonome, une collision impliquant d’autres utilisateurs ne serait aucunement liée aux roues, à la carrosserie, au pare-brise, au moteur ou à la suspension dudit objet, mais bien à ce qui l’anime. Dans le cas qui nous occupe, une intelligence artificielle. (Ce sera éventuellement un problème, mais une chose à la fois…)
C’est aussi celle, bien organique celle-là, qui est responsable de ce qui se produit en cas de collision entre un véhicule et un autre usager de la route. Il peut y avoir des circonstances atténuantes. Une pluie diluvienne. De la fatigue extrême. Une distraction. Ça se peut que ce soit juste un bête accident.
Mais j’aimerais ne plus jamais lire qu’un cycliste -ou un piéton- a été happé par une automobile. Soit qu’un humain a été tué par une machine. Parce que c’est pas vrai. C’est jamais vrai. Et ça a pour effet de déresponsabiliser les conducteurs.
Un.e automobiliste a tué un.e cycliste. Un.e conducteur.trice a heurté une personne qui circulait à vélo. Une personne qui conduisait une auto en a tué une autre qui circulait à vélo. C’est ainsi que devraient toujours être formulés les articles de faits divers.
On se fiche de la redondance des termes. Une auto et son conducteur ne sont pas et ne seront jamais des synonymes, anyway.
La possibilité de tuer
Un article de faits divers n’est pas non plus un endroit pour porter un jugement (elle avait un casque ou pas, cette personne, et roulait-elle bien en bordure de la route, était-elle visible?) Laissons aux experts le soin de tirer des conclusions après avoir analysé la scène et interviewé plusieurs témoins. Ne donnons pas la parole dans un reportage à une seule personne -dont on apprendra ensuite qu’elle déteste les cyclistes- qui affirme que la personne à vélo roulait tout croche… Non seulement il s’agit d’information invérifiée, mais on implante alors une idée dans la tête du lecteur : c’est la faute au type en bécyk.
Ces mots-là pèsent sur nos consciences, comme je le disais plus haut. Ils tirent vers le bas nos responsabilités. Ils déshumanisent l’incident pour en faire une affaire de machine qui tue une personne qui n’avait pas d’affaire sur le chemin.
Or, rien n’est plus faux. Les cyclistes ont le droit d’être sur la route. Et on a raison de leur demander de se rendre plus visibles et de faire attention à leur conduite. Mais il faut SURTOUT implanter dans les esprits des conducteurs.trices qu’une voiture est un objet qui transforme la moindre inattention en possibilité de tuer. Pas juste un symbole de statut social ou un moyen de transport.
Et peu importe les circonstances, nous avons (parce que je conduis une auto, moi aussi) la responsabilité de modifier notre conduite selon les circonstances, de faire preuve de prudence si nous ne percevons pas bien ce qui se passe devant nous et de nous assurer que nous ne mettons pas en danger les autres utilisateurs de la route. Soient-ils en char, en vélo ou à pied. Mais plus encore les plus vulnérables dont font partie les deux derniers.
Les mots employés dans les médias devraient servir à nous le rappeler. Comme on a éliminé le drame conjugal et ses équivalents pour bien parler d’un meurtre ou d’un féminicide, il est temps de faire le travail dans tout le spectre des faits divers et de jauger du poids du vocabulaire en usage.
En déshumanisant l’incident à travers un choix lexical qui rend le véhicule responsable, ou qui tend à faire porter le poids du drame à la victime, on perpétue l’idée que la route appartient aux automobilistes et que tuer quelqu’un en conduisant… C’est pas vraiment grave. Parce que c’est l’auto qui l’a fauché, tsé.