Le tourisme cycliste explose. Mais les compagnies aériennes se moquent plus encore des voyageurs et voyageuses qui transportent un vélo que de tous les autres. Si c’est possible.
J’étais venu à Majorque il y a 8 ans. J’avais été frappé par la quantité de cyclistes que je croisais lors d’une même sortie. Ils se sont multipliés par dix. Au minimum.
Hier, dans le village de Bunyola, pour le lunch, nous étions des dizaines sur la même place centrale où sont installées les terrasses des deux restos locaux. Sur dix kilomètres, il n’est pas rare de voir 50, 60 cyclistes, parfois plus encore. Ils passent par dizaines, sans interruption, devant notre appartement. À l’aéroport, le convoyeur de bagages spéciaux a recraché 4 sacs de golf et deux douzaines de boîtes de vélo, dont les nôtres.
Le tourisme cycliste explose. En France, l’automne dernier, j’ai aussi croisé des centaines d’amateurs venus de tous les coins du globe. Les destinations et les tours opérateurs se multiplient, se spécialisent. Je suis heureux que cette autre forme de bourlingue gagne en popularité et se démocratise : on voit désormais des gens de tous les âges de tous les niveaux de forme physique adopter cette manière unique d’explorer le territoire.
Mais c’est encore du côté du transport que les choses coincent.
Réserver, kossa donne?
J’ajoute donc ici ma voix à toutes celles qui dénoncent le service pitoyable des compagnies aériennes, mais plus encore pour dénoncer (encore) le traitement arbitraire et parfaitement aléatoire des bagages spéciaux.
Nous avions acheté nos places sur un vol d’Air Canada opéré par Air Austria, qui est sous l’égide de Luftansa. Nous avions réservé des places pour nos vélos, il y a des mois de cela. Réservations confirmées, documents à l’appui. Sur place, à Trudeau, on nous annonce que nous ne pourrons pas partir avec nos engins : il n’y a plus de places pour des vélos sur le second vol entre Vienne et Palma (Majorque). Après d’âpres négociations, on nous annonce finalement qu’on a « ajouté » des espaces disponibles sur le vol. Mais comment est-il possible que les réservations que nous avions faites ne soient pas automatiquement honorées? Mystère.
Comme d’habitude, l’opacité du fonctionnement de ces entreprises me scandalise.
L’arnaque des bagages
Ce n’était pas terminé. Sur Air Canada, il en coûte désormais 50$ pour emporter son vélo. C’est un prix qui a été revu à la baisse. Une bonne nouvelle. Mais surprise, le commis de Luftansa nous annonce qu’il nous en coûtera un total de 600$ par vélo pour le voyage. Ce qui s’ajoutait à des billets de 1200$ chacun. Impossible de négocier (nous avons essayé). Vous enverrez une demande de remboursement à Air Canada, nous propose-t-on au comptoir, ce qui nous fait éclater de rire : disons que nous n’attendrons pas de voir notre chèque en retenant notre souffle.
D’autres fois, avec d’autres transporteurs, j’ai emporté mon vélo gratuitement alors qu’il devait m’en coûter une centaine de dollars. Ou alors c’était l’inverse et le prix annoncé avait doublé. Chaque fois, le voyageur est pris en otage par un système qui profite d’une clientèle captive, incapable de se défendre, ou qui doit déchirer sa chemise, porter plainte, et écrire publiquement, comme je le fais ici, pour obtenir le juste prix. (Je ne rêve pas, personne chez Air Canada ou Luftansa ne m’écrira, je le sais bien.)
Notez que nous n’avions que nos vélos et un bagage à main. Des vélos qui, en volume comme en poids, n’excèdent guère ce que représente une grosse valise. Valise qui se transporte à une fraction de ce tarif prohibitif.
Si le client a le sentiment que l’on se moque de lui, c’est parce que c’est le cas.
Dans aucune autre industrie la clientèle n’accepterait d’être traitée de manière aussi cavalière, à la limite du vol qualifié. Mais les compagnies savent trop bien qu’une fois sur place, prêts à partir, vous n’annulerez pas votre voyage et sortirez votre carte de crédit.
Il s’agit de pratiques proprement scandaleuses qui s’ajoutent à toutes celles que l’on reproche déjà aux transporteurs. Qu’ils tirent le diable par la queue n’excuse rien. Ni les vols annulés sans explication ni les frais cachés.
Le gouvernement canadien parle de serrer la vis à nouveau aux compagnies aériennes afin qu’elles cessent de prendre les voyageurs pour des valises. Visiblement, la loi votée précédemment n’a pas eu l’impact désiré. Il est plus que temps de protéger les touristes des manigances de ces entreprises. Et puis, avec la multiplication des voyageurs-cyclistes, d’offrir des tarifs décents pour le transport de leurs vélos. Il y a des limites à arnaquer les gens!
Heureusement, nous avons pu nous défouler dès notre arrivée dans la mythique montée de Sa Calobra. J’imagine que tous ceux et celles qui ont payé pareil tarif et dont le vélo n’est même pas arrivé en même temps qu’eux doivent rager plus encore. Je convient parfaitement que le voyage est un luxe. Mais cela ne donne à personne le droit d’en faire une forme d’extorsion organisée.