Quand ma fiancée est sortie de l’hôpital le printemps dernier, la première chose que j’ai faite, ça a été d’acheter des billets d’avion. Yolo.
La lumière apparaissait enfin au bout du tunnel après des années lestées par des conflits, l’angoisse, la maladie. Il fallait partir pour mieux revenir.
J’ai tout réservé d’un coup ou presque. J’allais d’abord traverser les Alpes de Genève (enfin, Thonon-les-Bains, juste à côté) à Nice à vélo, en voyage assisté (quelqu’un transporte vos bagages d’un hôtel à l’autre et vous prépare le lunch à mi-chemin), avec deux amis. Ma fiancée viendrait ensuite me rejoindre et nous irions alors en Italie pour deux semaines (sans trop rouler, sauf un peu dans les Strade Bianche en Toscane, je vous raconterai un jour si vous êtes sages).
Un mois de vacances, donc. Sans répondre aux courriels ni rien. Une chose inédite depuis mon adolescence.
J’écris ces lignes quelques mois après mon retour, le jour de mes 48 ans. Le voyage est donc fait. Il était magnifique. Je suis déjà en train de préparer le suivant, dans les Dolomites. Yolo.
C’est devenu mon mantra. Yolo pour, si vous ne le saviez pas : you only live once. Pas pour acheter des cochonneries. Pas pour dépenser sans compter. C’est le contraire. Je mesure, comme plusieurs, à quel point les expériences de vie transformatives sont précieuses. Je prends les moyens pour faire ce qui compte vraiment pour moi. Quitte à me transformer en détestable gratteux le reste de l’année. Je compte pour ce qui compte.
Il m’en aura fallu du temps et une pandémie pour me faire plier les genoux et enfin vraiment apprécier le privilège du voyage, de l’évasion. Une crise familiale (résorbée), un brouillard d’isolement social covidien et un cancer (en rémission) chez ma fiancée ont largement contribué à adopter cette devise.
Yolo. Je n’attendrai pas la retraite pour aller grimper mes montagnes de rêve. Je le fais pendant que la forme est là et que le plaisir est entier (même si le plaisir dans les cols du Granon et de la Bonette furent bien relatifs, dois-je avouer).
J’écoutais un balado sur la psychologie du bonheur récemment (The Happiness Lab) où l’on expliquait que l’expression « yolo » a été dévoyée. Elle ne signifie pas vraiment de saisir le jour et de butiner d’une expérience à l’autre sans s’y investir, au gré de nos fantaisies du moment. Au contraire. Yolo, c’est de prendre ses ambitions par les cornes et de tout accomplir pour qu’elles adviennent. Je le fais avec ma vie de famille, ma fiancée, mon entreprise et mes loisirs qui sont aussi mes passions.
Je n’aurai plus besoin des coups durs pour me décider. La vie et ses mauvaises surprises m’attendent dans le détour. Je le sais. Alors, en attendant, je fais des plans. J’appelle mes amis du voyage cycliste (ils sont rares ceux que je tolère plusieurs jours, ils se reconnaissent). J’oriente mes finances et ma vie autour de projets d’envergures qui me rendent profondément heureux. Voyager et rouler avec des amis en fait partie.
Alors, dites-moi, pour aller à Bolzano, c’est mieux d’atterrir à Milan ou Venise. Ah tiens, je suis jamais allé à Milan, autant passer par là et y rester quelques jours. Yolo.