La passion du sport court dans la famille Arsenault. Lancés par Serge, le père et légendaire promoteur sportif, les Grands Prix Cyclistes sont désormais sous la gouverne de Sébastien, son fils, homme de médias et d’affaires aguerri. Entretien sur le retour de ces événements attendus et leur impact économique, social et sportif.
Vélo Mag : Nous avions l’habitude de voir Serge Arsenault comme tête d’affiche des Grands Prix. Vous prenez le contrôle de l’événement, mais vous n’êtes pas exactement parachuté à la tête de celui-ci.
Sébastien Arsenault : Non, effectivement. L’idée des Grands Prix, à la base, c’est celle de Serge et moi-même. Ça remonte à l’époque où nous diffusions le Tour de France sur Évasion, vers 2008. Mais je dirigeais jusqu’à récemment une quinzaine d’entreprises et Serge est plus un organisateur alors que moi je suis un entrepreneur.
Cela dit. J’ai toujours été là. Je m’occupais de la vision stratégique, des discussions avec l’UCI, j’ai mis en place la télédiffusion; nous sommes parmi les rares organisateurs sportifs qui faisons également la production télévisuelle. Pour nous, c’était très important d’offrir une qualité identique que ce qu’on avait proposé avec Évasion et le Tour de France.
J’ai vendu les entreprises média en 2019 (ndlr : notamment les chaînes Évasion et Zeste). Avec Serge on avait un ambassadeur hors normes, un promoteur passionné. Il est celui qui a le plus fait pour le cyclisme sur route en Amérique du Nord. Moi, j’étais là aussi, mais un peu en retrait.
Vélo Mag : Plusieurs se sont demandé – dont moi – si les Grands Prix reviendraient après le hiatus pandémique. Dans le cyclisme, les événements d’envergure (Tour de Californie, Tour de l’Alberta, etc) qui prennent une pause meurent généralement au chapitre. Pourquoi pas vous?
Sébastien Arsenault : Deux facteurs font que les Grands Prix sont encore là. D’abord, l’appui inconditionnel des partenaires publics. L’autre élément, c’est la passion. On s’investit là-dedans Serge et moi par pure passion et la passion frôle parfois la folie. On ne vend pas de billets, on n’entre dans aucune structure de financement convenue, on est parfois incompris de dirigeants municipaux, qui changent au fil des ans. C’est loin d’être évident.
On s’entoure aussi de gens extraordinaires, qui sont les meilleurs dans ce qu’ils font, pour les opérations. Nous sommes aussi organisateurs du Marathon (Beneva de Montréal), on sait à quel point chaque détail doit être impeccable, revu et corrigé, afin d’éviter les mauvaises surprises.
Enfin, le secret de notre retour, c’est les coureurs, les équipes. Ils aiment leur séjour, la qualité de l’événement. Ils voulaient que ça continue d’exister.
À lire aussi : Pourquoi j’aime les Grands Prix Cyclistes de Québec et de Montréal
Vélo Mag : C’est devenu une course préparatoire d’importance pour les championnats du monde, aussi…
Sébastien Arsenault : C’est vrai, mais j’ai envie de dire que c’est déjà devenu aussi une grande classique. Les coureurs, les directeurs sportifs, tout le monde avait hâte de revenir. Ils nous l’ont dit, c’était sincère, ça se sentait, et ça, c’est une motivation hallucinante pour nous.
Vélo Mag : Vous évoquiez le soutien des partenaires publics. Ce sont des événements qui coûtent cher en subventions, sous différentes formes. Qu’il s’agisse de soutien financier ou logistique. Comment parvenez-vous à convaincre tout ce monde d’investir dans ces événements? Comment leur montrez-vous que c’est rentable pour eux?
Sébastien Arsenault : D’abord, il y a des chiffres, tangibles, concernant les retombées économiques de tout ça. Ça se calcule en dépenses selon l’achalandage, en nuitées. Ces études sont conduites par des firmes indépendantes que nous ne choisissons pas et qui se chargent de faire ces bilans.
Il ne faut pas non plus négliger le poids de la télédiffusion.
Acheter de l’espace télévisuel pour montrer des villes, c’est extrêmement cher. Aussi, le cyclisme, c’est un véhicule efficace parce que c’est un sport très télégénique…
À lire aussi : Les Grands Prix Cyclistes aux premières loges
Vélo Mag : Donc ce que vous dites, c’est que ça a des retombées pour le tourisme. Comme pour les villes et villages de France qui se disputent les quelques places chaque année pour obtenir le statut de villes de départ ou d’arrivée…
Sébastien Arsenault : Exactement. Parce que ça a une valeur inestimable pour vendre sa ville.
Mais il y a autre chose, désormais, je pense, dans les retombées, et ça concerne le virage que prennent nos villes qui se tournent vers des modes de transport actifs. Nos gouvernements constatent aussi l’importance de faire la promotion de saines habitudes de vie. Or, dans les deux cas, le cyclisme fait partie de cette équation.
Cette partie est plus intangible, plus subjective, j’en conviens. Mais ça reste que ce sont des événements qui ne nécessitent pas d’investissement dans de grandes infrastructures et qui peuvent avoir un effet sur cette volonté de changement que j’évoque.
Vélo Mag : Et puis pour le cyclisme lui-même, quel est l’impact de ces événements, selon vous?
Sébastien Arsenault : Selon moi, le Canadien de Montréal est essentiel à la promotion du hockey chez les jeunes. Je pense aussi que d’avoir des événements comme ceux-là, avec de plus en plus de vedettes qui viennent d’ici, comme Hugo Houle, Antoine Duchesne, Guillaume Boivin, et leur offrir une vitrine, c’est primordial.
À lire aussi : Nos légendes locales à venir applaudir
On a le privilège d’avoir deux licences pour des courses de calibre World Tour, le niveau plus prestigieux qui soit. On a des athlètes d’ici qui font des choses magnifiques. En ayant des courses tous les ans, comme les Grands Prix, on investit dans le futur de notre sport. Mais pas seulement le volet compétitif. C’est une inspiration à enfourcher le vélo, j’en suis convaincu, pour les cyclistes de tous les niveaux.