En 2005, Marie-Claude Molnar a été percutée par un automobiliste qui conduisait à haute vitesse. En 2021, à 37 ans, elle est devenue double championne du monde en paracylisme sur route. Si sa survie tient du miracle, sa victoire, elle, est un exploit qui couronne des années d’efforts et de succès.
L’histoire fabuleuse de Marie-Claude Molnar débute par un cauchemar. Nous sommes en juillet 2005. À 21 ans, la jeune femme roule vers un avenir qui est encore entièrement à écrire lorsqu’un conducteur la happe. La voiture fonce à 110 km/h. L’horreur.
« J’ai subi un trauma crânien, une amputation partielle des deux bras, de multiples fractures dans une jambe, mais la plus importante séquelle, c’est que sur le plan cognitif, j’ai vraiment moins d’énergie que la plupart des gens. Je me fatigue plus rapidement, je deviens plus impulsive, moins réfléchie. Il y a toujours un petit délai dans ma prise de décision, surtout sous pression. »
La Longueuilloise raconte son histoire pour la millième fois, on s’en doute. Ce qui ne semble pas l’importuner une seconde, alors qu’elle relate ce récit traumatique en marge des célébrations entourant son retour au pays après avoir raflé deux titres mondiaux en paracylisme : la course sur route et le contre-la-montre chez les C4. « Cette catégorie mêle plusieurs types [de handicaps] liés principalement aux amputations et aux traumatismes crâniens », explique-t-elle.
On ne peut cependant dire que ces victoires sont particulièrement surprenantes, dans la mesure où la cycliste possède déjà un palmarès qui impose le respect. Bien qu’elle soit abonnée aux podiums et copieusement médaillée sur route et sur piste, son doublé au Portugal en juin dernier, dans un contexte d’incertitude, est toutefois une victoire de l’esprit autant que des jambes.
Donner du sens
« Ça a été une année en montagnes russes, côté préparation, note la championne du monde. En 2020, j’ai changé d’entraîneur et de préparateur mental. Ça m’a apporté beaucoup de positif », confie-t-elle. « Ça m’a permis de bien faire face à la nervosité à la veille du contre-la-montre, alors que j’ignorais où je me situais exactement sur le plan de la forme, parmi les autres coureuses. Ma dernière course sur route avait été à Lima, au Pérou, en 2019 ; ma précédente, sur piste, à Milton, en Ontario, en 2020. »
« Mais je suis vite revenue en mode course, poursuit-elle. Le parcours était intéressant, sur une piste de course automobile. Nous étions près de l’océan, et les vents étaient puissants, parfois jusqu’à 50 ou 60 km/h. » Le choix d’équipement était donc aussi très stratégique en vue de favoriser un pilotage efficace malgré les bourrasques. « Un coup de pédale à la fois, une décision à la fois, je suis retournée dans ma bulle de course. Comme dans une pantoufle. »
Plus nerveuse à la course sur route, elle dit en riant avoir puisé dans sa réserve du lendemain pour remporter cette victoire. « Nous courions avec les C5 [NDLR : ayant subi une amputation ou une atteinte à un membre supérieur, selon la classification en paracyclisme], ce qui représente une difficulté supérieure. » Du gros calibre qui servira de rampe de lancement à Marie-Claude Molnar. « Un groupe de C5 est parti, j’étais fatiguée, mais je me suis accrochée. J’ai fini seule de ma catégorie, avec 5 minutes d’avance. »
Cette victoire donne un sens aux nombreux sacrifices que fait la cycliste pour atteindre ce niveau. « C’est au moins 20 heures d’entraînement par semaine. Et dans ma condition, avoir un emploi à temps plein en plus n’est pas envisageable. Je travaille un peu et je reçois de l’aide des gouvernements via des programmes pour les athlètes. Je vis humblement. » Aujourd’hui plus fièrement que jamais, devine-t-on.