Il n’y avait pas plus belle façon de mettre la table. La veille du premier jour de course, inscriptions faites, tous les coureurs étaient invités à une balade dans la ville de Québec à la tombée du jour. Sur nos pneus cramponnés, nous avons goû- té aux pavés des petites rues, posé devant le château Frontenac avant d’admirer de la citadelle la vue nocturne de la ville. Féérique. Déjà, ceux venus de l’extérieur de la province promettaient de revenir.
Avant cette balade semi-nocturne, le collège Mérici, camp de base de l’événement, s’est animé. François Calletta, l’homme derrière le Pentathlon des neiges et la Québec Singletrack Expérience, a fait un briefing de course de main de maître. Après la visite, chacun est retourné dans ses appartements – tente sur le site, chambre dans le collège ou hôtel du coin – afin d’être frais et dispos pour la première étape aux Sentiers du Moulin. Le lendemain matin, nous quitterons en bus le collège Mérici pour nous rendre à l’étape du jour, où nos vélos nous attendent sagement. Un scénario matinal qui se répétera sept jours de suite, pour notre grand bonheur.
Jour 1
Les roches des Sentiers du Moulin
Éric ne s’est pas trompé quand il nous a présenté la particularité des sentiers qu’il peaufine depuis des années : c’est rocheux. On ne les a pas encore expérimentés sur la ligne de départ, où on papote avec Raphaël Gagné, l’olympien et médaillé d’or des Jeux panaméricains. Nous sommes sur son terrain de jeu, et un des sentiers que nous emprunterons porte son nom. Pierrette, la commissaire de la Fédération québécoise des sports cyclistes, vérifie la présence des embouts de guidon, question de sécurité. Le chrono va bientôt marquer la cadence.
La Baribal est parfaite pour prendre le rythme de la Québec Singletrack Expérience: pas trop technique, roulante, et quelques roches ici et là nous préparent à ce qui nous attend plus loin. Nous avons droit à un sentier tortueux comportant quelques belles montées techniques, du old school tricoté main bien doté en racines et roches. Histoire de diversifier les plaisirs, le new school a pareillement sa place. Davantage travaillé à la machinerie, ce qui autorise des virages relevés, des passerelles de bois. La Ravage Nord sélectionnera le roi de la montagne, la Sud celui de la descente. Ouf, la Raph permet de terminer un brin plus en douceur la quinzaine de kilomètres du parcours. Nous avons grimpé pas loin de 550 m sur une distance assez courte.
Le temps réalisé à la première étape détermine la place sur la ligne de départ des prochaines étapes. Pour ma part, je vais apprécier le confort de la queue de peloton.
Jour 2
La Vallée Bras-du-Nord, divine fluidité
Départ amusant de Saint-Raymond en suivant la rivière avant de nous lancer dans le bois. Dany nous avait prévenus, la Montée du belvédère est exigeante, mais quelle récompense dans la descente, la bien nommée Tablerone (analogie à la barre chocolatée tout en relief!). On se surprend à se laisser aller, le vélo négocie sans problème les virages relevés, quelques sauts, des passerelles, des bosses. Des passages forestiers, mais également, le long des champs, des vues plus dégagées au fil du parcours, avant de rejoindre le centre Ski Saint-Raymond, après 35 km et près de 964 m de dénivelé.
Jour 3
Mont-Sainte-Anne l’ardue
Pas besoin de présentation pour l’étape du jour sur les terres de la Coupe du monde, quoique Jean-François nous a composé un menu varié mixant des sentiers old et new schools en outre de descentes à prendre dans les deux sens. Longue de 43 km et au dénivelé positif de 1419 m, c’est sans doute l’étape la plus difficile de la semaine. Le beau bois entourant La Pénélope nous accueille en guise de mise en jambes. Il en faudra, de la jambe, pour L’Arche du Boisé et La Grisante avant de dévaler La Vietnam. Un coup d’œil au sommet pour admirer l’île d’Orléans, puis vient le temps de jouer dans les virages de la Bouttaboutte. Comble de bonheur, le dernier kilomètre est celui du parcours de la Coupe du monde qui se déroulera quelques jours plus tard. L’occasion est parfaite de lever les bras en dessous de l’arche d’arrivée déjà installée.
Jour 4
Valcartier la tendre
Pas si tendre que ça, dans le fond, si on excepte le bout du parcours où nous avons roulé sur un fond moussu dans une magnifique pinède. Il faudra quand même se grimper le mont Brillant jusqu’au centre national de biathlon Myriam Bédard. Dans la descente, le guidon a du mal à se frayer un chemin entre les arbres. Enivrant!
Avant de franchir la ligne de la plus belle arrivée qui soit, nous pédalerons sur une large route de gravelle en bravant un bon petit vent de face. L’appareil photo doit être rangé dans la poche pour cause de zone militaire. On pourra le ressortir pour des photos de vacances en arrivant au lac du Père. Personne n’a pu résister à la clarté de l’eau ni au barbecue qui nous attendait sur le sable.
On les reconnaît facilement par leurs manches vertes et, la plupart du temps, le sourire aux lèvres. Ce sont les encadreurs version sentiers. Ils sont là pour soutenir, encourager, aider, motiver, réparer, sauvegarder, ouvrir, retrouver, balayer… Qu’ils soient loquaces ou non, leur patience est sans limites même quand elle est mise à rude épreuve. Au fond du bois, le son de leur radio est rassurant, surtout qu’il n’y a jamais un mot de trop. Il faut dire que je les ai beaucoup fréquentés, me retrouvant souvent en queue de peloton. Merci d’avoir été là !
Jour 5
Lac-Beauport la visuelle
Cette étape, je vais la passer de l’autre côté de la frontière, du côté des bénévoles, au sommet du mont Castin. La tente installée, les réserves d’eau prêtes à l’emploi, nous attendons les premiers coureurs avec fébrilité. Outre les béné- voles habitués qui ont pris leur semaine, des gens du coin viennent apporter leur soutien. Toute la famille est là, y compris la petite Charlotte qui a bien des questions à poser aux coureurs. Les gars de LB Cycle ne se sont pas contentés de peaufiner le parcours jusqu’à la dernière minute (68 droits de passage négociés !), ils animent aussi l’endroit violon en main sur fond de paysage. Les premiers ralentiront à peine, les suivants lèveront le pied, rendant un bel hommage aux bénévoles 100 % impliqués.
Jour 6
Vallée Bras-du-Nord, parcours étoilé
Il y a restaurant et restaurant étoilé. C’est pareil pour un sentier de vélo de montagne. La Neilson Est, une piste signature qui s’en mériterait plusieurs, d’étoiles, du genre qui reste gravé dans une mémoire de cycliste toute une vie. Du cousu main. Il faut être bien positionné sur son vélo, lever sa roue au bon moment pour passer les différents obstacles. Puis vient la rivière qui chante pendant que vous roulez sur les pierres, des sauts, des chicken pass. Il faut laisser aller le vélo, soigner sa trajectoire, garder le contrôle sur les étroites passerelles. La chute à Gilles est un peu sèche, il n’a pas dû assez pleurer. Arrivée d’étape, et l’orage éclate à peine la ligne franchie. Journée mémorable.
Jour 7
Lac-Delage
Pour la première fois de la semaine, la pluie s’est invitée, modifiant quelque peu le parcours. Pas possible d’emprunter la toute nouvelle Kamasutrail, mais les organisateurs ont travaillé fort en vue de concocter une journée à la hauteur de la Québec Singletrack Expérience. Du technique, des roches glissantes et de l’humour lors du passage sous le célèbre avion suspendu, véritable scène de théâtre.
Au franchissement de la ligne, le visage des participants n’est pas le même que d’habitude: le sourire est plus large entre les picots de boue. Une petite phrase, genre «mission accomplie», flotte dans l’air. Célébrant ce nouveau statut de Qué-biker, chacun arbore fièrement une médaille autour du cou. Bravo! Il y a de quoi être fier, elle est amplement méritée.
François Calleta, organisateur de la Québec Singletrack Expérience
R I Je pensais à organiser quelque chose l’été en complément au Pentathlon des neiges. Une participation à la BC Bike Race m'a donné l’idée, une sortie avec Gilles Morneau sur la Neilson a permis de vérifier que nous avions bien les sentiers qu’il fallait, et la décision était prise. Parallèlement, l’office de tourisme de Québec a établi cinq grands chantiers, dont un s’intitule Nature à proximité. Pour moi, il était évident que le vélo de montagne était le produit à développer et qu’il fallait un projet de commercialisation des sentiers.
Q I Avez-vous eu des contraintes?
R I Tout le monde voulait, au niveau local. Le problème était plutôt le calendrier. Aussi, nous n’entendions pas faire un événement itinérant que les gens apprécient moins. Il nous fallait un camp de base au centre-ville. Je travaillais déjà avec le collège Mérici, c’était l’idéal.
Q I Quelle est la clientèle de la Québec Singletrack Expérience?
R I Des cyclistes pas nécessairement jeunes mais assez aventureux. Des gens d’expérience. Je me suis posé la question à savoir si le niveau de difficulté était suffisant dans les étapes courtes. Il semble que oui. Nous garderons ce format pour les prochaines éditions.
Q I Où en sera la QSE dans dix ans?
R I (L e regard rêveur) Trois cents personnes qui s’arrachent les places, Charlevoix est intéressée. Dans tous les cas, les communautés locales seront toujours impliquées avec, pourquoi pas? une fête autour de chaque étape.