Les programmes de cyclisme-études sont de véritables pépinières à cyclistes de haut niveau. Mais à quel prix ?
À Amos, en Abitibi, on fait dans les pâtes et papiers, les ressources naturelles et… les cyclistes de haut niveau. Dans les dix dernières années, la ville de 14 000 âmes a vu grandir un nombre impressionnant de cyclistes qui flirtent avec les ligues majeures de leur sport. Pensons à Karol-Ann Canuel, qui évolue depuis 2016 au sein de l’équipe professionnelle Boels Dolmans. Ou à Charles-Étienne Chrétien, jeune espoir canadien, qui s’aligne dans les rangs de l’équipe continentale Silber Pro Cyling. Même s’ils ont aujourd’hui accroché leur vélo, les noms de Keven Lacombe et Pierrick Naud font aussi la fierté des Amossois.
Derrière ces histoires à succès, une constante : un encadrement du tonnerre, gracieuseté entre autres d’un cyclisme-études offert depuis quinze ans à la polyvalente de la Forêt, à Amos. Grâce à ce programme, l’un des 450 autorisés par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, les élèves-athlètes inscrits bénéficient d’aménagements particuliers afin de mieux concilier vélo et école. On pédale par exemple pendant les heures normales de classe. Ou on part en camp d’entraînement printanier en plein mois d’avril.
Ne vous laissez toutefois pas berner par les apparences: évoluer dans un cyclisme-études est tout sauf une sinécure. «C’est difficile, voire ingrat par moments. Il faut être passionné pour arriver à suivre la cadence», souligne David Bernard, l’entraîneur responsable du programme à la polyvalente de la Forêt. Envie, pas envie, ses vingt-cinq jeunes de la première à la cinquième secondaire pédalent en moyenne de une heure et demie à deux heures par jour pendant l’année scolaire.
Pendant la saison, on parle parfois de sorties de quatre heures et de compétitions presque toutes les fins de semaine. Le tout en suivant le même programme scolaire que tout le monde, avec l’obligation de «scorer» une moyenne générale d’au moins 70% et sous la condition d’être identifié par la Fédération québécoise des sports cyclistes (FQSC) au rang espoir, relève, élite ou excellence.
Bref, la pression de l’excellence qui repose sur les frêles épaules de jeunes adolescents est énorme. «Même si nous essayons de leur inculquer le plaisir du sport, il y a un risque d’indigestion, c’est sûr», reconnaît David Bernard.
Brûler des cartouches
Parlez-en à David Maltais. En troisième, quatrième et cinquième secondaire, ce cycliste aujourd’hui âgé de 28 ans faisait partie du sport-études de la polyvalente Arvida, au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Cinq après-midi par semaine pendant trois ans, il a troqué son chapeau d’élève pour celui de cycliste sous la férule de Jude Dufour, l’entraîneur derrière l’athlète en vélo de montagne Léandre Bouchard, notamment.
Cette expérience a permis à David Maltais de se structurer et de libérer son trop-plein d’énergie, certes, mais a aussi durement mis à l’épreuve son amour pour son sport. «Entre 12 et 16 ans, on devrait juste s’amuser. Pourtant, les heures innombrables que j’ai passées à pédaler sur place entre décembre et avril n’étaient pas synonymes de plaisir. Avec le recul, j’ai l’impression que s’astreindre à un tel entraînement n’est pas synonyme de pratique durable», affirme-t-il.
La suite de son propre parcours lui donnera raison. « Quelques années après, quand c’est devenu plus sérieux, je sentais que je n’avais plus de cartouches à brûler pour rehausser mon niveau et demeurer dans la game. Elles l’avaient déjà été», avoue celui qui est derrière Le livre gris, un blogue consacré au retour aux « valeurs de base du cyclisme de performance».
Si David Maltais continue envers et contre tout de pédaler, il se considère néanmoins une exception. « Parmi ceux avec qui je m’entraînais à l’époque, il y en a bien plus aujourd’hui qui ont arrêté le sport que le contraire. Le vélo est demeuré un jeu pour moi, mais ce n’est manifestement pas la norme autour de moi», regrette-t-il.
Les autres programmes
En dehors des programmes sport-études, point de salut ? Que non ! Au Québec, plusieurs écoles secondaires proposent des concentrations sportives, projets pédagogiques particuliers qu’on confond parfois à tort avec la marque Sport-études du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Ainsi, l’école Le Sommet, à Québec, offre une concentration en vélo de montagne, tandis que l’école du Rocher, à Shawinigan, mise sur une concentration en vélo et sports alpins.
Ce qui les caractérise : la couleur particulière qu’elles donnent au cheminement de l’élève.