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Reportage

Des filles dans la course

06-06-2019
tour du grand montreal 2003

Tour du Grand Montréal de 2003: au centre, Lyne Bessette, et à droite, Geneviève Jeanson

De vrais exploits sportifs sont accomplis à vélo par des femmes. À la fin du XIXe siècle, dans un élan manifesté par le désir de déployer des efforts de longue haleine, des courses de six jours commencent à être disputées en Europe. En Angleterre, un promoteur aura l’idée d’en faire aussi un événement féminin. Le vélo est massivement adopté par les femmes.

Le 18 octobre 1929, Aimée Pfanner, joliment vêtue d’un cuissard, d’un tricot à manches longues et d’un foulard, traverse la Manche, de Calais à Douvres, sur un vélo monté sur des flotteurs propulsés par des pales activées en pédalant. Son exploit inusité est relayé par la presse populaire du monde entier.

La même année, à Montréal, Albert Gachon, le fils d’une fameuse famille de cyclistes, se plaint de devoir courir sa première course contre des filles et… de perdre!

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Femme traversée manche vélo

Aimée Pfanner traverse la Manche, en 1929, sur un vélo monté sur des flotteurs propulsés par des pales activées en pédalant.

Le champion René Cyr, décédé en 2015, se souvenait qu’il y avait des filles qui roulaient au vélodrome du parc Jarry, inauguré en 1929: «Elles participaient à des épreuves de vitesse, des courses de 5 milles, de 10 milles. Il y avait une Laflamme, je ne me souviens plus de son prénom.» De bonnes cyclistes féminines prenaient alors part aux courses, m’avait-il dit à l’occasion d’une entrevue qu’il m’avait accordée pour Radio-Canada.

Le 22 août 1930, Réjane Gauthier et Flore Leveillé partent sur des vélos de course en direction de Toronto. Membres du club cycliste Quilicot, elles font le trajet allerretour et, une fois revenues à Montréal, se livrent à «une exhibition au vélodrome» du parc Jarry. En 1931, Réjane Gauthier participe aussi aux courses livrées dans ce même vélodrome. Elle fait également des démonstrations de «vélo de fantaisie» avec Tony Fitz et Rudolph Eisenberg.

Des femmes s’intéressent suffisamment au vélo pour que, au printemps 1932, le club Quilicot décide de leur consacrer une section dans l’organisation. Les sorties de longue distance sont privilégiées et, à partir de Montréal, mènent à Saint-Jérôme, Trois-Rivières et même New York.

En octobre 1932, Gisèle Paquette remporte une course de 12 milles en parcourant cette distance en 28 minutes, soit à une moyenne de 42,38 km/h. Elle bat le record masculin !

En 1940, le reporter du journal montréalais Le Sport note que plusieurs jeunes filles – qui «n’étaient pas les moins enthousiastes» – participent à la longue sortie de la Corporation des cyclistes, qui attire le 12 mai plus de 200 cyclistes, une sorte de Tour de l’Île avant la lettre.

Sur piste

Carole Vanier cyclisme feminin

Parmi les grands modèles du cyclisme féminin québécois, on trouve, à compter des années 1970, Carole Vanier.

Du 5 au 22 novembre 1949, l’auditorium de Verdun présente un derby cycliste, événement sur piste qui met en vedette des femmes. Sont présentes sur la piste construite spécialement pour cette compétition, comme on a l’habitude de le faire pour les courses de six jours, des championnes venues de France, d’Italie, d’Angleterre et de Suisse.

Alfonsina_Morini tour ditalie

Alfonsina Strada a participé, aux côtés des hommes, au Tour d’Italie de 1924.

Elles profitent d’un contrat qui leur assure 20 jours de courses chaque mois, à raison de 25$ par soirée. Mais ces femmes doivent payer leurs propres dépenses et accorder 7% de leurs gains à un agent français qui promet en échange de les transporter d’une ville à l’autre aux États-Unis et au Canada et de veiller sur elles. En cas d’accident, les soins leur sont payés, et on leur accorde 10$ par jour. La compétition est vive. Le 12 novembre, un quotidien de Montréal rapporte que la veille, la Française Monique Lasserre et l’Italienne Ida Renucci ont failli en venir aux coups.

Au nombre des participantes, il faut signaler Hélène Pauli, une Suissesse de 29 ans qui, l’année précédente, avait établi un record féminin au Vigorelli, le célèbre vélodrome de Milan. Le lundi 7 novembre, à Verdun, elle tombe et manque d’y laisser sa peau tellement sa chute est mauvaise. Malgré la violence de l’impact, la course continue. Hélène Pauli est immédiatement remplacée par Jeanne Barbe, une cycliste montréalaise à l’évidence de fort calibre, mais dont on ne sait pratiquement rien. Montréal, en tout cas, l’applaudit.

Recul et renouveau

compétition femme vélo

Les filles dans la course partout au Québec.

Les années 1950 marque le développement d’un système social résolument fixé sur la consommation. Après avoir connu plus de liberté durant la guerre, les femmes se voient convaincre de renoncer à leur émancipation au nom de la grandeur des électroménagers et de l’invention des plats Tupperware. Le sport féminin est en recul. Il faut attendre les années 1960 pour que le cyclisme soit réinvesti par des femmes.

Parmi les grands modèles du cyclisme féminin québécois, on trouve, à compter des années 1970, Carole Vanier. De 1973 à 1981, elle impose sa marque sur la scène canadienne. Membre de l’équipe nationale, elle prendra part à trois Championnats du monde sur route. C’est en quelque sorte dans son sillage qu’on voit apparaître Geneviève Brunet. Quatrième de la course sur route aux Jeux olympiques de Séoul en 1988, elle participe à fond au circuit international avant de mettre un terme à sa belle carrière en 1989, à la suite de la Classique cycliste de Montréal organisée par Vélo Québec.

Karol-Ann Canuel poursuit sa carrière cycliste professionnelle avec l’équipe néerlandaise Boels Dolmans.
photo: George Deswijzen

À la fin des années 1990, les noms de Geneviève Jeanson et de Lyne Bessette retiennent beaucoup l’attention. Poussée rapidement vers le ciel des hautes performances, Geneviève Jeanson dégringole brutalement de son piédestal pour cause de dopage. Après avoir nié à répétition faire usage de substances interdites, elle fera une confession publique en 2007: elle se serait dopée depuis l’âge de 16 ans.

Plus âgée qu’elle, l’autre vedette du sport à ce moment, Lyne Bessette, ne lui pardonnera jamais sa tricherie ni l’ombre qu’elle a fait planer sur les autres compétitrices. Médaillée d’or aux Jeux du Commonwealth de 1988, sacrée six fois championne du Canada, puis championne du monde de cyclocross chez les maîtres, Lyne Bessette est un véritable phénomène dans l’histoire du vélo au Québec. Son engagement envers son sport n’a jamais diminué. Pour beaucoup de cyclistes, elle constitue une image remarquable de ténacité et de rigueur.

Ces dernières années, les regards se sont tournés vers KarolAnn Canuel. Née à Amos en 1988, elle devient championne canadienne junior en 2006. Spécialiste du contre-la-montre par équipes, elle a porté trois années de suite le maillot arc-en-ciel de championne du monde.

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