L’idée est sortie du cerveau de Pierre Laplante, le gars de vélo du trio, et a tout de suite séduit Nicolas Goupil et Loïc Dehoux, des ébénistes accomplis. Après plusieurs mois de travail acharné, l’équipe accouche d’un premier prototype fonctionnel, rapidement suivi par un deuxième, évidemment amélioré. Sûr de la performance de cette deuxième mouture, Picolo Vélo a proposé à l’équipe de Vélo Mag de la tester comme si c’était un vrai vélo.
Prenant les gars de bois au mot et leur faisant une confiance aveugle, nous avons soumis le vélo à un essai en bonne et due forme, conscients que la monture n’avait subi qu’une validation sommaire de sa solidité.
Le Picolo V2 se décline comme un vélo de course typique, de taille 53 cm, à la géométrie sportive et très compacte. L’empattement est court et la direction bien serrée, au point de créer une interférence importante entre les orteils et la roue avant lors de manœuvres à basse vitesse. Dès les premiers tours de roue, on constate qu’il s’agit bel et bien d’un vrai vélo. Au contraire d’un vélo qu’on pouvait pressentir flexible, voire fragile, le Picolo est solide et extrêmement rigide, surtout en torsion au niveau du triangle avant. Par le fait même, le vélo peine à amortir les chocs provenant des protubérances, crevasses ou autres aspérités de la route. Par contre, et c’est ici que le bois prend tout son avantage, l’absorption des vibrations est phénoménal : les petites fissures ou le pavé rugueux disparaissent comme par magie au passage du Picolo. Contraints à une ingénierie empirique pour ce qui est de leurs premiers prototypes, les ébénistes ont joué de conservatisme dans la fabrication du cadre, qui affiche bien au-delà des deux kilos à la pesée. À ce poids, on comprend que les accélérations et les changements de rythme ne sont pas des plus dynamiques.
De quoi le Picolo est-il fait?
Le cadre est composé de plusieurs assemblages de minces plaques de bois de frêne laminées l’une sur l’autre. Les bases et les haubans sont pleins, alors qu’est évidé par usinage l’intérieur des « tubes » du triangle avant. Ceux-ci sont d’ailleurs carrés, tirant pleinement profit des caractéristiques du bois et donnant un look moderne et racé au vélo. La méthode de fabrication est assez convaincante et démontre l’expertise de Picolo à manier le bois et à comprendre ses avantages et ses limites. À défaut d’un travail d’ébénisterie impeccable, les périphériques à la structure de bois du cadre nous rappellent que le vélo n’est qu’un prototype : les pattes arrière en acier sont frustes et géométriquement erronées, la tige de selle est maintenue par un simple tube grossièrement collé dans la cadre et muni d’un collet de serrage générique, les butées des gaines sont mal positionnées et propices à la contamination, et le maintien du jeu de direction et du boîtier de pédalier se fait par l’entremise de tubes métalliques à section constante qui alourdissent le cadre.
Picolo est conscient du travail restant à accomplir et semble de toute évidence sur la bonne voie afin de proposer un produit à point et commercialisable au courant de 2017. Le prochain prototype sera orienté autour d’une étude d’ingénierie plus exhaustive par souci d’en réduire le poids et d’un travail de design voué à éliminer les irritants relatifs aux périphériques. Étant donné que les pattes et le collet de selle font typiquement partie de la signature des fabricants artisanaux, Picolo pourrait y aller d’un design plus recherché, créant un élément de prestige additionnel. Nous sommes d’avis qu’un vélo de ce type est nécessairement un produit très niché et exclusif qu’on pourrait comparer à un vélo en titane hyper raffiné. S’il veut se démarquer, le Picolo se doit donc de proposer, en plus d’une fabrication irréprochable, un design original et sophistiqué s’il veut se démarquer.
Aussi, comme le bois ne pourra jamais concurrencer le composite et même l’aluminium haut de gamme en matière de poids, il nous paraît clair que l’intérêt du matériau n’est probablement pas aligné sur une utilisation typée course, pour laquelle la performance pure reste l’élément clé. L’essai du Picolo, outre sa géométrie, a cependant confirmé une personnalité du matériau parfaitement en phase avec un usage cyclosportif classique, qui implique que le cycliste passe de nombreuses heures sur le vélo, principalement calé en selle et à rythme relativement constant.
Un vélo «classe»
Somme toute, l’essai du Picolo nous a convaincus de la pertinence et du mérite d’un vélo moderne en bois. L’élégance et le plaisir zen de rouler que procure le matériau ont sans aucun doute leur place sur la route… Nous attendons la suite avec impatience.