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Reportage

Jimmy Pelletier

09-06-2015

Nommez-moi un athlète québécois en paracyclisme. Avouez que je vous prends au dépourvu. C’est vrai qu’on les voit peu, nos sportifs handicapés, surtout ceux qui font du vélo à main. Normal qu’on ne les voie pas, ils roulent couchés au ras du sol ! Pour corriger la situation, laissez-moi vous présenter Jimmy Pelletier, 38 ans, paraplégique, ex-skieur paralympique, cycliste à main, récemment retraité du sport d’élite mais loin d’être arrêté.

J’arrive de chez Jimmy, qui habite pas loin de chez moi, dans le secteur Val-Bélair, à Québec. Ma mission première était de répondre à la question que ma fille avait posée quand elle était toute petite : « Un cycliste à main, est-ce que ça porte des gants à clip ? » L’Oncle Pierre aurait répondu : « Eh bien non, ma petite Léa, le cycliste à main est doté d’un pouce et de doigts qui lui permettent d’agripper solidement ses pédales, il n’a donc pas besoin de clipper. »

Donc, pas de gants à clip, mais beaucoup d’équipement spécialisé. Jimmy m’a montré son univers adapté. Le fauteuil roulant. L’ascenseur qui lui permet de descendre au sous-sol, à la salle d’entraînement. Le manche qui remplace les pédales dans sa voiture. La luge pour skier : une nacelle en aluminium avec quatre pattes qui s’attachent à des skis à doubles fixations. Le tricycle de route, monté sur un support d’entraînement devant la télé. Le tricycle de montagne, récente acquisition, qu’il a hâte d’essayer en sentiers cet été. Nous l’avons sorti dehors, j’étais trop curieux d’essayer ! Pas facile à pédaler, pour un gringalet de cycliste. Pas facile à piloter non plus : en descente, on saisit les poignées munies de freins ; en pédalant, on tient la trajectoire tant bien que mal en déplaçant un levier coussiné avec sa poitrine. Bonne chance pour changer les vitesses.

Jimmy est excité par ce nouveau jouet qui apporte une nouvelle dimension à sa routine d’entraînement. Il aimerait qu’Adaptavie (organisme qui fait bouger les personnes handicapées) s’équipe de machines du genre. Mon petit doigt me dit que ce sera chose faite dans pas longtemps, car Jimmy a de la suite dans les idées, et quand il a un projet en tête, il est difficile à arrêter. En fait, il n’arrête jamais, et ironiquement, c’est la douleur qui le force à bouger. Une heure immobile à son bureau, et ses jambes le font souffrir. Des jambes en guenille depuis l’accident d’auto qui a bouleversé sa vie il y a 19 ans. Des jambes qu’il a toutes les raisons de haïr, car en plus d’être totalement inutiles, elles lui apportent de la douleur, au point qu’il a été déclaré inapte au travail.

Au lendemain de cet accident, sur son lit d’hôpital, Jimmy regardait la télé, et il a vu Dean Bergeron remporter trois médailles aux Jeux paralympiques d’Atlanta. Convaincu que la pratique Handisport était aussi pour lui, il s’est lié d’amitié avec Dean, qui l’a appuyé dans sa découverte. Jimmy a goûté à l’athlétisme, puis au ski de fond, sport qui l’a mené aux Paralympiques de Turin en 2006. Il est ensuite passé au vélo à main. En marge de sa vie d’athlète, Jimmy s’est toujours impliqué auprès des jeunes. D’abord en tennis en fauteuil roulant, puis auprès des enfants de Leucan. Depuis deux ans, il donne de son temps au Patro Roc-Amadour, organisme communautaire bien connu de Québec, en animant le volet sport du programme d’aide aux devoirs.

Quand son statut de père monoparental l’a forcé à prendre sa retraite d’athlète à temps plein l’an dernier, coupant court à ses ambitions olympiques en vélo à main, il a canalisé encore plus d’énergie vers le bénévolat et s’est mis dans la tête d’amasser 100 000 $ – rien de moins – pour Adaptavie et le Patro. Il a donc organisé une randonnée cycliste qui porte son nom et qui aura lieu en juin prochain. Pas une randonnée d’une journée… non, non, un vrai défi, avec de la côte en masse. De Québec à Sept-Îles en cinq jours, à travers les montagnes de Charlevoix et de la Côte-Nord, sa terre natale, incluant une dernière étape épique : 230 km entre Baie-Comeau et Sept-Îles. Sa présence sera inspirante pour les 50 participants de cette première édition. Ceux-ci devront arriver en forme, car connaissant Jimmy, il ne sera pas le dernier à atteindre le haut des côtes.

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