«Je ne pensais pas que ce serait comme ça quand je suis arrivée chez Boels-Dolman. J’avais imaginé que ce serait strict, un peu froid mais, au contraire, l’ambiance est vraiment détendue.»
L’affirmation a de quoi surprendre. On est ici devant l’équipe qui a dominé le circuit World Tour féminin l’an dernier. Beaucoup grâce à la championne olympique Anna van der Breggen, qui a collectionné les victoires dans les classiques ardennaises, le Giro Rosa et le Tour de Californie. L’escouade néerlandaise dispose également comme équipières de luxe de l’ancienne championne mondiale Lizzie Deignan (gagnante à Plouay, 2e à l’Amstel, à la Flèche, à Liège-Bastogne-Liège et à Strade Bianche en 2017), de l’actuelle détentrice du maillot arcen-ciel en la personne de Chantal Blaak, de même que de la redoutable Américaine Megan Guarnier… sans oublier la championne canadienne au contre-la-montre qu’est Canuel.
Autant de talents pourrait poser problème. Et on avait l’impression, par exemple, que Guarnier n’était pas particulièrement ravie de céder le poste de meneuse à Van der Breggen pour la Californie. Or il semble régner un réel esprit de collégialité chez les Néerlandaises. «Je pense que l’an dernier, à peu près tout le monde a eu une victoire dans l’équipe», expose celle qui a porté le maillot rose de meneuse à la suite du contre-la-montre par équipe en ouverture du Giro Rosa, quelques semaines après avoir traversé la ligne la première sur la Volta Limburg Classic, aux Pays-Bas. «Qu’une fille détenant le palmarès de Lizzie soit aussi bien disposée pour travailler dans l’intérêt d’une autre coureuse, cela illustre bien l’esprit qui règne chez Boels-Dolman», ajoute l’Abitibienne.
Manifestement, les choses vont mieux qu’avant dans le cyclisme féminin. On est à mille lieues de la parité avec les hommes, tant en matière de calendrier, de salaires que de budgets, «et il y a encore beaucoup d’équipes où ça a l’air effectivement difficile», nous dit Karol-Ann, mais du point de vue de la course, le spectacle est drôlement plus relevé qu’auparavant. Moins d’attentisme, une grande finesse de stratégie en même temps que se multiplient les agressifs paris d’attaques précoces, tout concourt à faire du très récent circuit World Tour féminin une série d’excellentes épreuves sportives. «Je pense qu’en effet, la qualité de l’ensemble s’élève. Le circuit se bonifie d’année en année, le calibre général également, alors ça donne un résultat fort impressionnant.»
Visiblement de bonne humeur, pouffant de rire au fil des questions, Canuel sait cependant que le printemps sera dur. D’abord parce que la compétition s’annonce féroce et qu’Anna van der Breggen aura tout un florilège de titres à défendre. Mais aussi parce que l’éloignement lui pèse de plus en plus. Elle a beau avoir fait de Gérone, en Espagne, un douillet point de chute européen, sa famille et son copain lui manquent. «On dirait que ça empire avec les années, réalise-t-elle. Mais bon, ça fait partie de la job. C’est pour ça que, quand la saison finit, contrairement à d’autres qui voyagent, moi, je rentre à la maison.»
Discrète quant à ses aspirations pour la saison, elle esquisse quelques fantasmes à concrétiser: une étape au Giro, un championnat canadien dans la course sur route. D’ici là, le froid, les pavés et quelques monuments cyclistes l’attendent. «Je suis nerveuse, mais j’ai hâte.»