J’ai dans ma bibliothèque la première version de l’ouvrage Le «cocktail transport » : la solution pour freiner le déclin du transport en commun. Cette relique a étonnamment bien vieilli.
Ce petit bijou, qui se voulait un pastiche des livres de Gallimard, a été un coup de génie de Michel Labrecque lors du Congrès international francophone de l’Association pour le développement des transports, de l’environnement et de la circulation (ATEC) à Versailles, en France, en 1997. Seuls indices de l’emprunt: une tache d’encre et le fameux NRF devenu NRV (pour « énervé» et Nouvelle Revue Vélo)… Le graphisme a donc formidablement bien traversé le temps, mais son contenu aussi. Ce qui est à la fois une bonne nouvelle et une moins bonne.
La bonne, c’est le caractère visionnaire de l’expression «cocktail transport», devenue partie intégrante du débat public. Les guillemets qu’on retrouvait dans le titre de l’opuscule ne sont d’ailleurs plus nécessaires. Cela prouve le chemin parcouru et la sensibilité accrue à cet enjeu d’importance. Même le fameux ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports du Québec en fait aujourd’hui un objectif, c’est dire!
La moins bonne nouvelle, par contre, c’est qu’il faut encore nommer la chose, ce qui démontre qu’il s’agit d’un vœu, non pas d’une réalité. Si on souhaite tendre vers le cocktail transport, on doit encore et toujours imbriquer les différentes composantes de la mobilité urbaine.
Le document Le « cocktail transport » (disponible dans l’onglet publications de velo.qc.ca) prônait « un maillage et un mariage d’intérêts entre les grandes entreprises de transport en commun […] et les moyens de transport “privés” que sont le vélo, le taxi, la location d’automobile, les coopératives de propriété d’auto, le covoiturage […], permettant aux citoyens de se déplacer efficacement et rapidement, tout en économisant et en réduisant au minimum les impacts négatifs sur l’environnement». Tout cela est encore à faire, ou du moins à parfaire. Remplacez les « coopératives de propriété d’auto » par les «entreprises d’autopartage et de véhicules en libre-service», et vous voyez aussitôt le défi qu’il reste à relever.
De la même manière, empruntez aujourd’hui l’autobus et le train de banlieue, et vous observez la difficulté, encore maintenant, d’y embarquer des vélos. Commandez un taxi, et vous constatez à quel point il est ardu d’en trouver un doté d’un support à vélo, une des recommandations de la publication de 1997, d’ailleurs.
L’ouvrage était visionnaire, à l’époque, en ce qu’il traçait la voie à suivre, en ce qu’il proposait une véritable politique de mobilité pour les prochaines années. Il était d’autant plus pertinent qu’il ne se voulait pas utopique: il ne visait pas à inciter les ménages à vivre sans automobile, un projet illusoire en Amérique du Nord, mais à éviter qu’ils fassent l’achat d’un deuxième ou d’un troisième véhicule. Malheureusement, il n’est jamais vraiment devenu un plan d’action. Il demeure cependant un document de référence qu’il importe toujours de mettre en application.