De la mi-mai à la fin de septembre, il ne se passe pas une fin de semaine sans qu’un quelconque événement cyclosportif n’ait lieu quelque part au Québec. Il y a une vingtaine d’années à peine, la réalité était pourtant tout autre. Retour dans le temps.
« C’était la folie furieuse! » s’exclame Joëlle Sévigny lorsqu’elle évoque les «années folles» du Tour de l’Île de Montréal, dans les années 1990. «Lors d’une certaine édition, pas moins de 45 000 personnes de partout au Québec se sont inscrites en 10 jours. Parmi elles, plusieurs étaient d’excellents cyclistes à la recherche de quelque chose de plus considérable», se remémore la directrice générale de la division Événements et voyages de Vélo Québec, qui organise le Tour de l’Île depuis 1988.
À l’époque, le concept des randonnées sur plusieurs jours (multi-day rides) était en pleine croissance aux États-Unis. Des événements «haut de gamme» comme Cycle Oregon attiraient alors des milliers de participants. Près de 25 ans plus tard, Joëlle Sévigny, qui y avait participé en 1993, se souvient de l’ambiance bon enfant, sur fond de défi sportif, qui y régnait. «Nous nous sommes beaucoup inspirés d’eux dans nos propres démarches», admet-elle
L’année suivante, le Grand Tour est créé. Pour la première édition, 1000 personnes dont la moitié chevauchent un vélo de montagne sont conviées à un aller-retour entre Montréal et Québec, où les résidences universitaires de l’Université Laval sont réquisitionnées pour l’occasion. La jeune expertise de Vélo Québec en matière d’organisation d’événements est mise à rude épreuve. «Nous avions beaucoup de gens à convaincre: la Sûreté du Québec, Transport Québec, nos partenaires», énumère-t-elle. La première mouture du Grand Tour est néanmoins couronnée de succès.
Depuis, l’événement revient année après année – le «Club Med sur deux roues», comme l’appelle Joëlle Sévigny, déménage d’ailleurs ses pénates dans la région de ChaudièreAppalaches en 2017. Mieux encore, il a engendré des rejetons, comme la Petite Aventure, une version «allégée» du Grand Tour où près de la moitié des participants ont moins de 18 ans, et le Défi métropolitain, un des premiers rendez-vous annuels de la saison cyclosportive, qui souffle 18 bougies cette année.
La raison de ces succès? L’accessibilité, répond sans hésiter Joëlle Sévigny. «Le Grand Tour est un défi cycliste qui s’adresse à tous. Personne n’est là pour se faire pousser dans le derrière ni pour battre un chrono, même si certains roulent très vite.»
La première cyclosportive au Québec
Les dévoreurs d’asphalte ont dû attendre six ans après que le Tour de l’Île eut accouché du Grand Tour pour trouver chaussure à leur pied. En 2000, Pierre Hamel, alors éditeur de Vélo Mag, et Jean Lessard, fondateur du Tour de Beauce et ancien coureur cycliste, ont l’idée d’organiser une épreuve chronométrée destinée à des amateurs de petite reine plutôt qu’à des coureurs: le Défi Vélo Mag.
L’événement est programmé à la fin du mois d’août, en parallèle du Grand Prix féminin international du Québec, que pilote d’ailleurs Jean Lessard. «Les participants finissaient par une ascension de 6,4 km au mont Sutton, après avoir roulé dans les environs de LacBrome, de Mansonville et de la Scenic Road. C’était un circuit digne d’une Coupe du monde», se rappelle l’homme aujourd’hui âgé de 67 ans. Oubliez l’offre de distances multiples, comme c’est aujourd’hui le cas: seul un 100 km, qu’on pouvait rouler dans un des trois groupes de vitesse différents, figurait au menu !
À sa première édition, le Défi Vélo Mag rassemble 500 aficionados, un chiffre qui grimpera à 1200 à sa troisième et dernière édition. Malgré les bons commentaires et l’enthousiasme général, l’organisation est contrainte de mettre un terme à l’événement «pour des raisons logistiques» en 2002. Quoi qu’il en soit, la première cyclosportive au Québec a pavé la voie à ses successeurs, les Défis du Parc, en Mauricie (2004), le Granfondo Garneau-Québecor (2009) ainsi que plusieurs autres événements qui, encore aujourd’hui, sont inscrits au calendrier.
« Nous sommes un peu à l’origine du phénomène des cyclosportives. Nous avons fixé des standards élevés qui ont aidé à la croissance du sport cycliste au Québec»
Jean Lessard
Pédaler en société
Paradoxalement, les participants à des cyclosportives ne représentent aujourd’hui qu’une infime partie des cyclistes québécois. C’est en tout cas ce que pense Pierre Lavoie, instigateur du mouvement qui porte son nom.
«Nous serons toujours une petite gang, environ 12% de la population, à être en forme, à ne pas fumer et à entretenir un discours de performance. Or, à ne pourchasser que les chronomètres, nous tournons en rond. Il faut s’adresser au 80% qui ne bouge pas», estime celui qui compte plusieurs triathlons Ironman à son actif.
Pour comprendre comment le Jeannois a bâti son empire du cube énergie et initié, dans la foulée, plusieurs individus au vélo, il faut remonter à la toute première édition de son Défi. Le 3 septembre 1999, à 15 h, il prend la route seul afin de sillonner sa région pendant 24 heures. Son but : sensibiliser les habitants du Saguenay–Lac-Saint-Jean à l’acidose lactique et recueillir des fonds pour la recherche. «Le seul outil que j’avais pour passer mon message, c’était mon vélo», dit-il à propos de cette randonnée hors-norme.
Au fil des ans, le Défi Pierre Lavoie prend de l’ampleur. Tellement qu’en 2008 il devient le Grand Défi Pierre Lavoie et change de vocation. Désormais, Pierre Lavoie rayonne partout dans la province pour sensibiliser les élèves du primaire à adopter de saines habitudes de vie. Depuis, il prend la route chaque année en juin pour une tournée panquébécoise de 1000 km en 60 heures. Dans son sillage, il n’est plus seul: 205 équipes de 4 ou 5 cyclistes l’accompagnent dans sa formidable chevauchée.
En parallèle, une multitude d’initiatives ont vu le jour, autant de portes d’entrée pour le cyclisme ou la pratique d’une activité physique. Parmi celles-ci, La Boucle, une cyclosportive dont la cinquième édition aura lieu le dimanche 2 juillet 2017 dans la région de Montréal. Bien sûr, elle est non chronométrée.