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Reportage

Luc Sabbatini – Biximan

17-03-2019
Bixi vae montreal libre service

Luc Sabbatini

«Changer le monde, une ville à la fois», c’est le rêve de Luc Sabbatini. Il en a fait le slogan de son entreprise, PBSC Solutions Urbaines, une PME de Longueuil qui a récupéré en 2014 les activités internationales issues de la faillite de la Société de vélo en libre-service (SVLS).

L’ex-président d’Astral Affichage se cherchait une occasion de concrétiser une deuxième carrière d’entrepreneur, après qu’Astral eut été avalée par Bell, en 2013. «Je venais de pédaler à Londres sur un Bixi, en compagnie de ma famille, sans savoir que ce serait ma destinée.» En 2015, il achète une PBSC (Public Bike System Company) mal en point. «La première année, je n’ai pas beaucoup dormi.» Aujourd’hui, c’est le leader mondial du vélo en libre-service, avec 65000 unités dans 30 villes. Ses quatre concurrents, les américaines BCycle et SoBi, l’allemande Nextbike et la française Smoove revendiquent ensemble 50000 unités. Et PBSC creusera encore davantage l’écart dans les prochains mois en répartissant 10000 vélos dans dix nouvelles villes.

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Honolulu biki À l’arrivée de Luc Sabbatini, PBSC comptait 15 employés. Ils sont désormais soixante, dont une dizaine d’ingénieurs, dans des locaux qui s’apparentent à ceux d’une dotcom, remplis de bidules électroniques, de prototypes et d’écrans. En trois ans, PBSC a dépensé six millions de dollars en recherche et développement, dont beaucoup dans la refonte de l’infrastructure informatique, dans une application transactionnelle et dans de nouveaux modèles de vélos. En 2016 naissait la filiale de gestion de réseaux de vélos en libre-service Shift Transit, basée à Chicago, qui emploie 75 personnes.

Luc Sabbatini se sent privilégié: «Je vends du bonheur. Je propose un produit idéal alors que les villes cherchent à améliorer la mobilité et luttent contre le smog. Nous évoluons dans l’économie du partage. Nous offrons la liberté pour 90$ par année. Pas besoin de grimper son vélo dans l’appartement ou de trouver un poteau où le verrouiller. Et les jeunes urbains ne veulent pas acheter, mais louer.»

«Le vélo en libre-service représente une petite part du cocktail de transport, mais, pour une ville, c’est une aubaine, affirme-t-il. Pour le prix d’un seul bus articulé, vous avez 1000 vélos robustes et sécuritaires. Les villes se les arrachent. Les études prédisent une croissance annuelle du marché mondial de 10%. Moi, je penche pour 30%. Actuellement, notre croissance est de 25%. Et nous allons augmenter la cadence.»

La meilleure technologie

«Le Bixi, c’est la Mercedes des vélos en libre-service, dit-il. Il a coûté 25 millions à développer. C’est un héritage extraordinaire. Quand nos compétiteurs en ont dépensé trois, c’est beau.» PBSC fournit des vélos «garantis durer dix ans», et ses stations alimentées au solaire se déplacent en vingt minutes. Des arguments de vente imparables.

Luc Sabbatini est un technophile. Il prédit que, bientôt, la plupart des usagers paieront et se choisiront une monture directement par son application. Il tire une grande fierté de ses nouvelles selles pourvues d’un canal central qui évacuent rapidement la pluie, de ses novatrices poignées antibactériennes, de ses garde-boue en plastique léger, de ses stations qui résistent à un ouragan de force 2, et son modèle Fit, plus petit, qui fait un malheur à Honolulu et dans trois villes du Brésil.

Il s’enorgueillit également du Boost, un Bixi assisté, dont la batterie se recharge par le dispositif de verrouillage. La pile est insérée dans le tube avant du cadre, et l’assistance vient du moteur situé dans la roue arrière. «Les villes à la topographie accidentée, comme Rio, apprécient. Ailleurs, la clientèle pédale en costard, sans transpirer.»

Une multinationale

Luc Sabbatini est plus souvent dans un avion qu’à son bureau. Même s’il a de gros clients aux États-Unis, il voit son avenir en Europe ou en Amérique latine. «Barcelone, qui compte 7000 unités, c’est-à-dire plus que Montréal, renouvelle ses vélos cette année. São Paulo regroupe 20 millions d’habitants, Rio de Janeiro 12, Recife ou Porto Alegre 4,5. Rio achète 9000 vélos juste pour sa première phase. La majorité des villes de plus de 500000 habitants dans le monde n’offrent pas encore le service.»

Une bonne part des revenus viennent de la vente de pièces de rechange et, surtout, de l’informatique. La gestion de tous les systèmes et des applications passe par l’infonuagique de PBSC, sur ses serveurs Amazon. Ainsi, PBSC gère elle-même le service pour certaines villes clientes.

«Les Montréalais ne réalisent pas à quel point ils sont chanceux, ajoutet-il. Bixi Montréal [l’OSBL qui administre le réseau] fait partie de l’élite mondiale. Il assure un service incroyable. Ailleurs, souvent, les stations ne marchent pas, rejettent les cartes de crédit étrangères, les vélos ne sont pas disponibles ou dans un piteux état. Ici, c’est très rare que ça cloche. J’ai utilisé tous les systèmes dans le monde, je peux donc comparer.»

Luc Sabbatini est apte à livrer un service de 7000 unités en quelques mois, une capacité hors de portée de ses compétiteurs. Sauf les Chinois. «Leurs usagers laissent traîner leurs vélos bas de gamme sans borne de réception. Je verrais mal leur système s’implanter en Occident, où tout est ordonné. Les autorités ne toléreraient pas des tas de vélos devant les tours de bureaux ou les stations de métro, comme on le voit en Asie.»

La revue britannique hyperbranchée Monocle lui a consacré deux pages, une première pour un patron d’entreprise canadienne. On y lit qu’il fréquente le Caffè Italia, qu’il commande ses enceintes Sonos à l’aide de son iPhone et qu’il parle l’italien appris de ses parents. Luc Sabbatini, qui a grandi à Ahuntsic, est parfaitement heureux de son statut de Biximan mondial.

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