Au même titre que leurs employés, les employeurs québécois adoptent tranquillement le vélo. Échantillon de pratiques entrepreneuriales facilitantes.
Chaque matin, pour aller travailler, Jean-Yves Bilodeau, concepteur électrique, enfourche son vélo et roule jusqu’à CAE, un fabricant de simulateurs de vol. Il est président du club vélo. Environ 170 des 3200 employés pédalent de la maison à l’usine située près de l’aéroport, à Dorval.
L’entreprise a multiplié les initiatives: quatre vestiaires, douches, supports à vélo, magasin de pièces de rechange et d’outils, etc. Un cinquième vestiaire est projeté. Même le président et chef de la direction, Marc Parent, s’est mis au vélo.
CAE a remporté la certification bronze du Mouvement vélosympathique. Le nombre de ses cyclistes ne cesse d’augmenter, même si le secteur ne compte aucune piste cyclable. « Nous avons écrit à la Ville pour que ça change, dit Jean-Yves Bilodeau. Les patrons ont signé notre lettre. On dirait que les parcs industriels sont exclus du réseau cyclable. Pourtant, le trafic est infernal dans le quartier.»
De la vision
CorActive, une firme de haute technologie spécialisée en fibre optique sise au nord de Québec, connaît aussi une petite révolution cycliste. «Nous sommes au royaume de la voiture, près des Galeries de la Capitale et de l’autoroute 40. Mais ça ne décourage pas les gens de pédaler», explique Bertrand Morasse, ingénieur de recherche et développement.
« Pour gérer la croissance, la compagnie a ajouté dans la seconde usine un deuxième vestiaire avec douches et casiers.»
La PME de 60 employés a obtenu une mention honorable du Mouvement vélosympathique. Elle a installé des stationnements pour vélos extérieurs et, par exemple, payé le lunch aux employés venus à un pique-nique cycliste. Des employés pédalent de très loin, certains de Donnacona ou de la Rive-Sud.
Campus provélo
«Le vélo fait partie de la culture de l’Université Laval, explique Claudie Tremblay, coordonnatrice en mobilité durable. Notre territoire fait 1,8 km2, mais nous avons 8 km de voies cyclables.»
L’institution, qui a obtenu une Certification Vélosympathique or, a adopté un plan directeur des pistes cyclables il y a 10 ans et ajoute des tronçons chaque année. Plusieurs personnes de l’extérieur y transitent entre le secteur SainteFoy et la colline Parlementaire ou le quartier Saint-Sacrement.
L’an dernier, l’Université Laval comptait 236 supports logeant simultanément au-delà de 2300 vélos – 71 d’entre eux étant protégés par une toiture –, ainsi que 57 casiers à deux vélos, verrouillés à clé. À peu près 10% des 30000 déplacements quotidiens se font à vélo ou à pied. «Ces chiffres datent de 2011; ça a forcément augmenté», estime Claudie Tremblay
L’université localise ses douches sur un site web et en ajoute chaque année dans tous ses pavillons, même ceux de la Fabrique, dans le quartier Saint-Roch, ou du Vieux-Séminaire, dans le Vieux-Québec. Elle a installé sur son campus trois bornes de réparation en libre-service, qui sont très utilisées.
L’établissement d’enseignement a conclu une entente avec CycloDuo, un OSBL d’accompagnement à vélo, et la Coop Roue-Libre, dont la roulotte abrite un atelier d’entretien et de réparation, et où se donnent des cours de mécanique vélo.
Qu’est-ce que le Mouvement VÉLOSYMPATHIQUE ?
Élaboré par Vélo Québec, ce programme de certification encourage les organisations à développer une culture vélo dans les milieux de travail. Plus de 60 organisations se sont inscrites depuis le lancement, en 2015. Les employeurs s’engagent dans une démarche d’amélioration continue axée sur:
- l’environnement bâti (stationnement, douches, casiers, signalisation, accès aux stationnement);
- l’éducation (sécurité, avantages du vélo, communications, formation, événements de sensibilisation, leadership de la direction);
- l’encouragement (incitatifs financiers, vélos offerts en libre-service);
- les incitatifs non financiers (déjeuners gratuits, balades collectives, participation au mois du vélo);
- l’encadrement (éducation pour lutter contre le vol de vélo, stationnements sécurisés, systèmes de surveillance);
- l’évaluation et la planification (plan d’action, ratio d’utilisation du vélo).
Du génie dans le vélo
WSP Global, un géant du génie-conseil, dispose à son siège social de Montréal d’un local de 40 places dans lequel on entre grâce à une carte magnétique (80 employés inscrits sur 500). « Une centaine d’employés viennent travailler à vélo, une dizaine à l’année, beaucoup à Bixi», explique Éric Léonard, directeur d’expertise en mobilité durable
Une partie des membres de la haute direction pédalent régulièrement entre le bureau et leur domicile. Certifiée Vélosympathique argent, la firme a organisé quelques «Journées WSP à vélo», de même que, chaque mois, à l’intention des utilisateurs de transports actifs, un tirage du remboursement d’un titre de transport mensuel (88$).
WSP a aménagé douches et casiers directement dans ses bureaux. La firme installera bientôt dans son rangement à vélo des stations mécaniques pourvues d’outils utiles pour effectuer des réparations mineures.
Corriger la situation
La firme Druide informatique, connue pour son logiciel de correction Antidote, a été une des premières à être certifiée Vélosympathique bronze. Le personnel peut emprunter les ascenseurs avec un vélo jusqu’au 11e étage, où se trouve un rangement verrouillé de 23 places mettant à la disposition de chacun une pompe et des outils de vélociste.
Druide, qui offre douche et casiers, loge dans l’ancien quartier de la fourrure, au centre-ville de Montréal. Le cinquième des 70 employés pédalent de partout, notamment du Plateau, de la Rive-Sud ou de Mont-Royal, comme le fait son président, Éric Brunelle. «Certains roulent même quand il fait moins beau, car leur vélo est à l’abri des intempéries. Lors des entrevues d’embauche, la visite du vestiaire à vélo fait toujours grande impression, surtout chez les jeunes », dit-il.
Druide organise des activités cyclistes, a son propre club Strava et sa page vélo Facebook privée. « Le vélo fait partie de notre culture, ajoute-t-il. Pédaler tous les jours, ça favorise la santé et la productivité, et ça diminue la pollution.»