Vous aussi, vous rêvez de longue distance ? Ça vous tente, mais vous hésitez à vous lancer ? L’aventure est probablement plus accessible que vous ne le pensez. En témoigne le parcours d’un novice en quête du Graal de la discipline : le Paris-Brest-Paris.
Le mythique Paris-Brest-Paris
C’est en 1891 que le reporter Pierre Giffard crée cette course longue de 1200 km. D’abord organisé tous les dix ans, l’événement est aujourd’hui un brevet cyclotouriste qui attire plusieurs milliers de participants du monde entier tous les quatre ans. Lors de l’édition de 2023, 6810 inscrits de 71 nationalités (dont 108 canadiens) ont été enregistrés. Le Paris-Brest-Paris est très masculin avec seulement 7.24% de femme inscrites. À l’heure d’écrire ces lignes, les résultats officiels n’étaient pas encore connus, mais il semblerait qu’approximativement 4800 cyclotouristes aient franchi la ligne d’arrivée dans les délais.
Août 2022. La nuit vient de tomber sur la journée la plus chaude de l’année. La veille, je m’étais inscrit à une sortie Halle-Kemmelberg-Halle, en Belgique. Malgré les 304 km au compteur du vélo et le parcours accidenté (Kemmelberg, c’est le mont Kemmel), les jambes affichaient une inattendue fraîcheur. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Le doux rêve de la longue distance me titille depuis si longtemps… À peine rentré chez moi, le mythique Paris-Brest-Paris hante ma nuit. Et si je me lançais ?
Surprise en parcourant le site internet de l’organisation : l’événement n’a lieu que tous les quatre ans et la prochaine édition se déroulera dans exactement un an. C’est un signe. Seul détail, le règlement impose, pour la préinscription (obligatoire), d’avoir obtenu l’année précédente au minimum un brevet BRM (brevet randonneurs mondiaux), sachant que chaque brevet (200, 300, 400 et 600 km) est préalable au suivant. Aussi, plus on valide de brevets différents, plus on augmente ses chances d’avoir accès à l’inscription. Autre détail de taille, l’année cycliste s’achève… à la fin d’octobre. Plus une seconde à perdre, il me reste deux mois pour récolter le maximum de distances officielles. Je me lance donc dans le pari fou d’enchaîner ces quatre brevets en six semaines. L’aventure se solde par une belle réussite de trois brevets en poche. Au début de 2023, la préinscription est actée. Toutefois, l’inscription ne devient effective que si je valide à nouveau les quatre distances avant la fin de juin. Étapes de mission remplies coup sur coup ! J’ai en conséquence rendez-vous à Rambouillet le 20 août pour le grand départ.
Rendez-vous avec la légende
Alors que beaucoup de candidats ont opté pour la nuit sous tente au village de départ, j’ai préféré le luxe d’un mobile home dans l’espoir d’une dernière nuitée la moins agitée possible. C’était sans compter sur le réveil de ce moustachu insomniaque à l’accent du terroir qui se sent obligé d’éructer sa science de la course dès 6 h 30 du matin. La journée va être longue, jusqu’à mon départ à 20 h 30.
Dans les rues de Rambouillet, le défilé des cyclistes qui tournent en rond bat son plein. L’atmosphère est bonne, la fébrilité se fait sentir. Pendant que certains tentent une dernière sieste à l’ombre d’un majestueux arbre du parc du château, d’autres s’élancent déjà sous la chaleur. De quart d’heure en quart d’heure, quelque 6500 participants venus des quatre coins du monde s’embarquent pour 1200 km et près de 12 000 m de dénivelé à boucler en 80, 84 ou 90 heures.
Dans les box de départ, tous les sourires ne sont pas aussi convaincants. Pourtant, à mes yeux, être au départ d’une telle épreuve relève déjà de la réussite. C’est en tout cas sous cet angle que j’aborde l’instant tant attendu. Autour de moi, il y a la dernière vérification technique, l’appel téléphonique à la famille, l’accolade aux enfants, les encouragements, et pour les gens du coin les plus chanceux, la chanson surprise du club de supporteurs. Que la fête commence !
De belles amitiés
Les premiers coups de pédale s’apparentent généralement à un round d’observation : trouver les bonnes roues et les bonnes bouilles avec qui lancer les premières discussions, véritable quête de complicité pour entrer dans une autre dimension. C’est ainsi que naissent de belles amitiés. Lors de chaque brevet qualificatif, j’ai partagé la route, des sourires et des moments de vie avec des inconnus aujourd’hui devenus amis. Ils se prénomment Huib, John ou Pierre et je ne peux croire au hasard de ces belles rencontres. La complicité ? Mon ami Pierre a lui aussi le sens de la formule : en longue distance, avant que le soleil ne se couche, la mission se résume à « cherche partenaire avec affinités pour passer la nuit »…
Une fois le jour tombé, comme par enchantement, le peloton se transforme en guirlande, jetant un tout autre éclairage sur la dynamique de groupe. À mesure que le paysage s’efface, l’imagination refait surface. L’esprit ruse et s’amuse. Sous les casques, les images les plus fantasques passent en bourrasques, interrompues de temps à autre par quelques applaudissements d’encouragement provenant tantôt d’un balcon, tantôt d’un banc sorti pour l’occasion… même s’il est 4 h du mat !
Une ambiance indescriptible
Tous les 90 km environ, aux points de contrôle, le carnet de route s’orne d’un nouveau cachet. Le rituel est bien rodé. Première mission : trouver une place dans le stationnement à vélos. Deuxième mission : opter pour la bonne file, que ce soit pour faire estampiller le carnet ou acheter des pâtes au poulet. Troisième mission : retrouver son vélo parmi les centaines d’autres. Le tout dans la bonne humeur, aidé par des dizaines de bénévoles au cœur d’or.
De village en village, toujours la même effervescence. Et cette ambiance qui porte et pousse. Transe en danse. Et quelquefois même en danseuse, car les organisateurs ont mis les petits plats dans les grandes collines. Heureusement, les côtes et moi, on s’entend bien. On s’apprécie et se comprend, en amants comme en amont. Et pendant ce temps, les kilomètres s’avalent. Probablement que jamais le coup de pédale n’a été aussi léger qu’en ces contrées.
Il paraît que je mouline à donner le tournis. À chacun son style, dans le pédalage comme dans le bavardage. On y croise de tout. Des généreux dans l’effort et des fort taiseux. Des novices et des vieux – mais ceux-là, on les respecte et les écoute. Et puis il y a les loufoques, qui ont assurément perdu un pari, pour se retrouver ici en fatbike ou en chaussures Crocs… Il y a également les vélomobiles, à la carrosserie aérodynamique, qui jouent au yoyo avec les cycliste assis (et non couchés) dès que la pente s’affole trop, en montée ou en descente. Ou encore le vétéran japonais qui s’échine sur sa machine d’un autre temps sans la moindre vitesse. À chacun sa prouesse.
Dans ma sacoche, les barres de nougat côtoient les fruits secs, la batterie de l’éclairage et une foule d’anecdotes griffonnées sur un bout de papier. Peut-être est-ce aussi grâce à cette habitude de saisir les mots et les émotions tout au long de la route que je m’amuse tant sur un vélo.
Même pas fatigué
Alors que certains savourent chaque moment, d’autres entrent dans une lutte de tous les instants pour garder le cap et la lucidité. Dans les deux camps, on les repère bien vite. Ceux qui ne peuvent s’empêcher d’étaler leur (manque de) classe en prenant chaque relais un peu plus fort que nécessaire, le sourire en coin, et ceux à l’arrière qui s’accrochent tantôt au guidon, la rage au menton, tantôt à l’illusion d’une trêve avant d’être rattrapés par la sagesse de lâcher un peu de lest. Et puis, inévitablement, l’écart se creuse, tout comme les joues. Surtout après de longues journées à plus de 30 degrés. Sous l’effet de la chaleur, les malheureux valeureux sont poussés dans leurs retranchements, et parfois dans un fossé. À mesure que le peloton se rapproche de l’arrivée, de plus en plus de corps s’affalent, à toute heure de la journée, sur les bas-côtés des chaussées, pour récupérer.
Et puis vient l’euphorie. Ce moment de magie où les sourires se dessinent sur les lèvres qui se délectent de ce fameux paris-brest, un gâteau en forme de roue de vélo et composé d’une pâte à choux fourrée d’une crème pralinée. Arrivés dans les temps, les héros portent la médaille fièrement. Pour moi, malheureusement, l’aventure s’est arrêtée soudainement à 955 km et près de 9500 m de dénivelé en raison d’une blessure au genou, abandon d’autant plus frustrant que la condition physique était excellente et que le gros de l’épreuve était derrière. Avec le recul, je conviens qu’il n’aura manqué que la cerise sur le gâteau. Merci à la vie de m’avoir permis de vivre cette aventure folle. On se donne rendez-vous dans quatre ans ?
Six conseils pour réussir son Paris-Brest-Paris
Souhaitant ne rien laisser au hasard, j’ai abordé la préparation en consultant de nombreux spécialistes.
- Effectuez un bilan sanguin complet : on ne se lance pas dans la longue distance comme dans un jogging de 5 km. En sport d’endurance, la moindre carence alimentaire peut avoir de fâcheuses conséquences.
- Réalisez un bilan cardiaque : sans vouloir m’alarmer, mon médecin m’a vivement conseillé un test à l’effort couplé à un bilan cardiaque. Rien de tel pour rassurer les proches et booster le mental.
- Pensez à l’étude posturale : je me sentais bien sur mon vélo avant, mais le degré de confort est incomparable depuis la visite chez le spécialiste et les quelques ajustements proposés.
- Prenez du plaisir : rendez vos entraînements fun et amusez-vous sur le vélo, c’est le meilleur moyen d’alléger la perception de l’effort, surtout lorsque les conditions météorologiques jouent en votre défaveur.
- Apprenez à écouter votre corps : au cours d’une préparation répartie sur plusieurs mois, il est inévitable de traverser des périodes plus difficiles tant sur le plan privé que professionnel. Essayez de détecter rapidement les signes de fatigue pour adapter votre rythme et/ou votre charge d’entraînement et ainsi éviter les blessures.
- Alimentez-vous correctement : l’effet de l’alimentation et de l’hydratation sur les performances est considérable. Mon épouse, formée en diététique et nutrition, m’a concocté un programme sur mesure et prodigué de précieux conseils.