Les roues de votre avion touchent le tarmac de l’aéroport Sky Harbour, à Phoenix. Bientôt, ce sera le tour de vos pneus à crampons de chatouiller les sentiers alentour de la capitale de l’Arizona, sans oublier ceux de Sedona et de Prescott.
À moins d’opter pour Tucson (et alors devoir s’y limiter), Sky Harbour, à Phoenix, est l’aéroport de prédilection des touristes montagniers, vu sa proximité des destinations populaires. La capitale de l’Arizona offre davantage qu’un port d’attache et constitue indubitablement une destination en soi, car de nombreux sites sont disséminés autour de la ville, traversés par au-delà de 500 km de pistes.
Phoenix, entre cactus et désert
Archétype de l’étalement urbain, ultime fantasme adéquiste, l’agglomération compose une courtepointe infinie de villes de banlieue tapissant les collines désertiques, liées par des autoroutes à douze voies la plupart du temps encombrées. Heureusement, les montagnes qui, ici et là, émergent de la plaine sont restées vierges, et des sentiers y conduisent. Au sud, près de l’aéroport, South Mountain est le rendez-vous des vététistes endurcis, ses pistes exigeantes présentant un bon dénivelé. Le Québécois engourdi par les frimas aura tout à gagner à se faire la main auparavant en s’attaquant à des sites moins ardus à proximité, comme F.I.N.S. (Fantasy Island North Singletrack) ou le secteur Hawes.
Plus au nord, dans la ville de Fountain Hills, le parc régional McDowell Mountain est un incontournable. Une journée ne suffira pas pour apprécier les pistes difficiles qui passent par le sommet et débouchent sur celles, intermédiaires, du versant sud, sans négliger l’important réseau coté facile du côté nord, tracé en faux plats, à la fluidité irréprochable lorsqu’on y pédale à fond de train – c’est là que se déroulait la légendaire Cactus Cup, à la belle époque. À proximité, accordez-vous une pause et visitez Taliesin, fascinante résidence-atelier du célèbre architecte Frank Lloyd Wright.
Si vous n’avez qu’une seule journée pour rouler à Phoenix, c’est vers le Black Canyon Trail (BCT) qu’il faut vous diriger. Cet itinéraire de longue distance totalise pas moins de 140 km, dont la qualité laisse malheureusement parfois à désirer. Il vaut mieux se restreindre aux superbes segments Skyline, Cheapshot, Little Pan et Williams Mesa en se stationnant à Black Canyon City. Le BCT prend de l’altitude dans des collines peuplées de saguaros, ces magnifiques cactus géants, puis plonge en serpentant au fond de canyons où vous vous sentirez isolé du monde. Gardez quand même l’œil ouvert afin de ne pas rouler sur l’échine d’un serpent à sonnette, comme c’est arrivé à l’auteur de ces lignes dans Williams Mesa.
Sedona et Prescott, un duo de rêve
Tous deux situés à moins de 200 km de l’aéroport de Phoenix, en moyenne altitude, ces endroits touristiques bénéficient du climat parfait pour le vélo de montagne: du soleil garanti tous les jours mais une chaleur supportable, contrairement aux fours que sont devenus Phoenix ou Tucson. La communauté cycliste y aménage de nouveaux sentiers chaque année, si bien que l’une et l’autre mettent maintenant à la disposition des vélos au-delà de 400 km de pistes, la plupart partagées avec les marcheurs et les cavaliers. Difficile de trouver meilleur environnement pour une mise en jambes de début de saison.
Ouvrir ses chakras à Sedona
Métropole du mouvement New Age, Sedona base son économie sur le «tourisme du mieux-être». Moyennant quelques dollars, les chamans et autres guides spirituels feront le portrait de votre aura et vous proposeront la cure miracle pour vous requinquer les chakras, utilisant entre autres le pouvoir des «vortex», ces lieux sacrés disséminés autour de la ville, où quelques minutes de méditation favorisent l’absorption des spirales d’énergie tellurique qui tourbillonnent dans l’espace comme le remous au fond d’une cuvette de toilette.
À vélo, nul besoin d’atteindre ces fameux vortex pour sentir le bien-être vous envahir. Chaque kilomètre du réseau de sentiers qui encercle Sedona apporte sa dose d’adrénaline et d’émerveillement. Difficile de ne pas s’extasier devant le décor de carte postale se déployant de virage en virage. Il importe cependant de ne pas perdre de vue la piste flanquée de buissons de cactus ou d’arbustes aux branches acérées qui obligent à garder le droit chemin, sous peine d’égratignures ou de crevaisons.
Il importe cependant de ne pas perdre de vue la piste flanquée de buissons de cactus ou d’arbustes aux branches acérées qui obligent à garder le droit chemin, sous peine d’égratignures ou de crevaisons.
Sedona est surnommée Red Rock Country car ses montagnes sont sculptées dans le grès de la formation dite «de la colline de Schnebly», une roche sédimentaire aux teintes d’orange brillant, de saumon ou de rouge profond en raison de sa forte concentration en oxyde de fer. L’érosion par l’eau et le vent a creusé dans les falaises des monolithes géants baptisés le pot à café, la cloche, la cathédrale, le palais de justice et ainsi de suite. Les sentiers se rapprochent de ces massifs rocheux emblématiques, se faufilant comme par magie dans le chaos des canyons, sautant d’une strate à une autre au moyen de rampes en enrochement patiemment érigées par les cyclistes locaux.
Les débutants et les voyageurs printaniers aux réflexes engourdis auront avantage à amorcer leur séjour dans le secteur de Dry Creek Road. L’étourdissant sentier Chuckwagon offre l’occasion d’affiner la conduite en zigzaguant entre les buissons de genévriers. Il aboutit au renommé Mescal, qui trace des arabesques sur une strate de slickrock, du beau grès lisse donnant une bonne prise aux pneus. La vallée en contrebas est tapissée de pistes bien roulantes, laissant le loisir de moduler la longueur de la sortie en fonction de la fatigue accumulée. Les pilotes expérimentés quitteront Mescal à mi-chemin et s’élanceront dans Canyon of Fools, une descente en bobsleigh au creux d’un canyon très étroit, quelquefois tout juste une largeur de guidon, où on roule plus souvent sur les murs que sur le sol.
Une fois les réflexes aiguisés, une randonnée à ne pas manquer est sans contredit le spectaculaire duo Templeton/Hiline, recommandé en sens horaire, en bouclant la boucle via Slim Shady et Baldwin. «I’m freaking out!» s’exclamait un Californien pris de vertige au milieu de Hiline, dans l’une des sections exposées, où perdre pied équivaut à une chute de dizaines de mètres. Quelques passages sont donc préférablement franchis à la marche, par mesure de prudence, incluant un portage incroyablement pentu à la fin du sentier. Et ne vous attardez pas dans les parages si vous entendez le hsssss caractéristique: il s’agit effectivement d’un serpent à sonnette.
Les braves que les segments exposés n’effraient pas sont mûrs pour le niveau suivant: Hangover, une boucle hallucinante dont plusieurs portions donnent des sueurs froides, vu le danger de dégringolade dans un précipice en cas de fausse manœuvre. Les survivants pourront ensuite témoigner de leur exploit en achetant un t-shirt ou un bidon à l’effigie du sentier à la boutique Over the Edge. Pas impressionné? Passez à l’échelon supérieur: White Line, un étroit replat au milieu d’une paroi rocheuse sans aspérités, quasi verticale, réservé aux esprits suicidaires.
Trêve de suggestions extrêmes, le cycliste moyen trouvera amplement son compte à Sedona, où sont possibles cinq ou six belles escapades d’un jour. Cette proximité de la civilisation est pratique en cas de fatigue ou de pépin mécanique, mais il est tout de même triste de voir ce paysage admirable gâché par les routes, les maisons, les fils électriques. Cette région aurait dû depuis longtemps être décrétée parc national… Or si tel était le cas, nous ne pourrions probablement pas y circuler à vélo; la présence humaine est dès lors un mal pour un bien.
S’enivrer à Prescott
Si Sedona jouit déjà d’une belle réputation auprès des montagniers québécois, Prescott est encore une destination méconnue. Pourtant, la petite ville a beaucoup à offrir : les sentiers y sont aussi nombreux qu’à Sedona (450 km!), l’hébergement est plus abordable et le climat plus tempéré.
Ici, pas de vortex, mais une industrie touristique carburant à la nostalgie du Far West incarnée dans le quartier historique Whiskey Row, bien que le fort de cavalerie ait disparu, tout comme les bordels, les hors-la-loi et les chercheurs d’or qui animaient les lieux au début du XXe siècle.
La ville est entourée de montagnes. La plus connue est appelée Thumb Butte; c’est la signature de Prescott, un genre de château Frontenac dominant le centre-ville. Tout comme Sedona, l’ancienne ville minière se situe à la limite nord du désert de Sonora, et ainsi on y rencontre les mêmes petits lézards qui se jettent sous les roues sans avertir et les mêmes cactus raquettes qui vous guettent en bordure de sentier. Par ailleurs, dès qu’on s’élève un peu, la montagne se peuple de pins ponderosas et les cerfs remplacent les pécaris, ces mignons sangliers sauvages.
Le sol est également très différent. Contrairement aux roches sédimentaires de Sedona, Prescott repose sur du granite surgi des profondeurs de la terre il y a un million d’années. Le secteur des réservoirs Willow et Watson, près des Granite Dells, est particulièrement impressionnant. On y navigue en louvoyant entre les hauts blocs de roche, ou en suivant les points blancs peints sur ceux-ci, d’une manière comparable à la piste Slickrock, à Moab. Celle-ci est par contre un jeu d’enfant en comparaison du niveau de difficulté des Granite Dells, qui varie de «vraiment pas facile» à «outrageusement difficile».
Ces sentiers à l’intention des experts ne comptent toutefois pas pour beaucoup dans le réseau de Prescott: 80% de celui-ci est de niveau vert ou bleu, tout à fait à la portée des jeunes et même des débutants. Les pistes ont été dessinées selon les règles de l’art, en respectant des degrés de pentes permettant de grimper sans se fatiguer et de descendre sans avoir à freiner. La quasitotalité est praticable – et agréable – dans les deux directions.
À défaut de faire la fête dans les saloons du centre-ville, les cyclistes s’enivreront de vitesse dans ces pistes d’une fluidité remarquable. À l’inverse de Sedona, où le rythme change constamment, ici, ça roule! Ça roule pépère en montant et à fond la caisse en descendant. Willow, Wolverton et Goldwater Lakes sont des classiques qui procurent de grisantes sensations, tout comme la boucle qui consiste à ascensionner Ranch pendant une bonne heure, puis à rebrousser chemin et revenir par la toute nouvelle Ranch Badger Connector, une descente à flanc de colline avec vue panoramique et menant à Badger Mountain puis à l’hyper rapide Sundog.
Ce portrait ne serait pas complet sans mentionner le secteur de Spence Basin, un «spaghetti» de 30 km de sentiers frais construits, signalisés temporairement par des affichettes au ras du sol. La forêt de pins très dégagée représente un terrain de jeu idéal, graveleux. Des menhirs de granite se dressent çà et là, proposant des options adoucies quand les passages sont difficiles, à l’occasion extrêmement abrupts. Du plaisir assuré pour tous! Ici comme à peu près partout à Prescott, en filant à toute vitesse dans Vista, Ridge Top ou West Side Story, vous aurez le goût de crier comme les cow-boys: «Yeeee haaaaw!»
Repères
Climat : La question ne se pose pas, il fait toujours soleil et la chaleur est simplement suffocante. Les mois d’hiver sont par conséquent les plus confortables, et si vous y allez au printemps, prévoyez vous lever tôt et être sorti des sentiers avant 11 h.
Phoenix
224 sentiers pour 524 km sur 25 sites : 52 faciles, 115 difficiles, 57 très difficiles
Réparations ou conseils sur les sentiers : Bike Barn
Logement en appartement : Sacha Blanchet, originaire de Québec, loue maisons ou appartements sur lovedesertrentals.com
Meilleur temps pour s’y rendre : de décembre à mars
Vélo à privilégier: trail bike de 140 à 150 mm de suspension
Sedona
190 sentiers pour 450 km: 8 faciles, 82 difficiles, 100 très difficiles
Réparations ou conseils sur les sentiers : Over the Edge
Logement en appartement : Wyndham Sedona
Meilleur temps pour s’y rendre : d’octobre à avril; il arrive en cette saison que tombe une faible neige qui ne s’accumule pas au sol
Vélo à privilégier: trail bike de 140 à 150 mm de suspension
Prescott
150 sentiers pour 450 km: 42 faciles, 83 difficiles, 25 très difficiles
Réparations ou conseils sur les sentiers : Ironclad Bicycles
Logement en appartement : New Mountain View Condo, sur Airbnb
Meilleur temps pour s’y rendre : de septembre à novembre, de février à mai; en été, il n’y fait pas aussi chaud que dans le reste de l’Arizona, cependant c’est la saison des pluies, caractérisée par des orages quotidiens en fin de journée
Vélo à privilégier: trail bike de 130 à 140 mm de suspension
•
Les cartes de ces trois secteurs sont en vente dans les boutiques de vélo, toutefois rien ne bat l’application gratuite Trailforks sur téléphone intelligent. Celle-ci vous situe précisément au sein du réseau et vous donne accès à toute l’information sur les sentiers environnants, afin d’adapter votre excursion aux aléas du jour.