Je suis parti le 2 octobre en vélo de Saint-Étienne au sud de Lyon direction Saint-Jacques de Compostelle…mais en fait au-delà vers Lisbonne, là où l’ automne n’en finit plus. Suis-je un vrai pèlerin? Un imposteur ou un opportuniste? Je finirai par y répondre.
Jacques Desjardins voyage à vélo depuis plus de 40 ans. Cofondateur du Monde à bicyclette et cyclotouriste aguerri, il aime découvrir un pays à vélo en prenant le temps de prendre le pouls des gens et la saveur du pays.
Suivez son pèlerinage à vélo sur le chemin de Compostelle entre Lyon et Lisbonne.
Des milliers d‘humains de tous âges et conditions sociales entreprennent en nombre croissant chaque année un périple à pied…voir en vélo vers Compostelle. On dit qu’ils y viennent depuis 1200 ans poursuivant une quête intérieure, ou alors pour y vivre authentiquement l’ accueil de l’ autre, l’écoute, la tolérance, l’ humilité, la fraternité ou alors un autre rapport quotidien au temps, à un temps long. Ainsi à Cahors après 5 jours de route, j’ avais l’impression d’être parti depuis des mois.
En arrivant au gîte de Cahors, en déchargeant mes sacoches et retirant mes chaussures, j’ai d’abord remarqué les pieds meurtris, mais robustes de Jean-Luc. J’ai levé la tête pour apprécier le visage d’un homme digne parlant doucement avec Serge l’hôte du gîte. Deux Français d’âge mûr conversant hors du temps comme de vieux amis.
Le lendemain matin autour de la table, je me retrouvais à discuter de la mort d’Aznavour avec Jean-Luc. Annonce que j’avais vécu en direct et avec une belle émotion dans un grand café algérien de Lyon.
Je m’employais, face à face avec lui, à magnifier la vie d’Aznavour. « Vivre en racontant des histoires qui parlent à chacun de nous et mourir sans s’ en rendre compte et surtout pas d’un chancre comme le cancer! »
Et Jean-Luc de me répondre de sa voix calme et profonde « tu sais moi j’ai un cancer…du pancréas. » Mon visage est tombé, j’étais livide. « J’ai été opéré d’ une petite tumeur et me suis retrouvé la main pleine de sang avec une hémorragie… j’ai 10% de chance de survie. » Ouf! « À ce jour, les scans ne révèlent aucune métastase, aucune récidive! »
Fils de paysan et d’abord paysan, il était parti de chez lui à pied vers Le Puy. Deux jours à coucher à la belle étoile avant de rallier le réseau de sentiers et de gîtes de pèlerinage. Son but: Compostelle.
Mais que fait-il sur le Chemin? Dans une église il y a un an, il a eu un moment de grâce, une illumination qui l’a incité à entreprendre le Chemin.
Mais Jean-Luc d’enchaîner « Tu sais, moi ma source d’ apaisement, la voix universelle, la source de quiétude, c’est Leonard Cohen, l’authenticité et l’actualité de sa foi ». Et de lui répondre du tac au tac que c’ était mon voisin, de lui montrer la photo de la vigile devant sa maison le jour de sa mort. Son visage est devenu rayonnant. Puis, il cessait de répandre sa nouvelle avec bonheur.
Je ne le reverrai pas sur le Chemin. Car avec mon vélo j’ avale les étapes, je suis maintenant à Estella en Navarre. Mon coup de coeur de l’ an dernier alors que je réalisais un tour des Pyrénées en cyclo.
Mais j’ai son courriel et « Si dios quiere » on aura de ses nouvelles, car je lui ai promis au retour des photos de nos murales de Cohen et de la fameuse vigile.
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