Je rêvais du Colorado et de ses Rocheuses depuis un bon moment. J’avais une folle envie de respirer son air qu’on prétendait plus frais qu’ailleurs et de sentir les effets de l’altitude. Je rêvais de ses animaux sauvages, des effluves de sa forêt à la prodigieuse diversité.
J’ai été fort bien servie en juin dernier alors que j’ai découvert à vélo, le temps d’une demi-journée de downhill à travers ses ahurissants paysages, le légendaire parc national des montagnes Rocheuses (Rocky Mountain National Park), un lieu de richesses infinies. J’ai littéralement exploré les Rocheuses de l’intérieur, bravant le vertige venant de l’absence de garde-fous aux abords d’une route flanquée de profonds ravins et impeccablement lisse, aux côtés des voitures de touristes heureusement plutôt rares si tôt en matinée. J’ai roulé le sourire aux lèvres et les mains agrippées aux poignées – fortes et fréquentes bourrasques obligent – à travers ce bout de territoire jadis surnommé «la Suisse américaine». J’étais au comble du bonheur.
Au-delà des grands vents
Ma montre sportive me le confirme : le départ de cette sortie en vélo de montagne s’effectue à 3660 m d’altitude. C’est à Rock Cut, lieu ancré dans la toundra alpine, que nous a laissés la mini-fourgonnette qui nous transportait de la ville d’Estes Park à ce site populaire du parc national. Le véhicule, tout au long du parcours, ne sera jamais loin, au cas où se produirait un incident.
Seth, notre guide, est parfait. Visiblement aussi fou de plein air que d’histoire et de géologie, c’est sa roue que nous suivrons sur le versant est de la montagne.
Au sommet, l’hiver nous attendait malgré la fin de la saison printanière. Ayant enfilé mon manteau de ski, ma tuque et mes gants, je tiens ma monture à deux mains et m’enquiers du grand vent. « C’est normal, le vent souffle d’ouest en est. C’est toujours très venteux au sommet du parc», explique Seth. Il en sera ainsi pendant une bonne part du trajet, où j’insisterai parfois peut-être un peu trop sur les freins par peur de m’envoler dans le tout proche ravin.
Complétée en 1932 et joignant les villes d’Estes Park à l’est et de Grand Lake à l’ouest, la Trail Ridge Road n’est dotée d’aucune piste cyclable. Ici, on roule sur le bas-côté de la route asphaltée partagée avec les véhicules motorisés. Nous entamons notre descente à la file indienne; nous sommes huit participants, et deux guides ouvrent et ferment les rangs. Alors que mon vélo et moi filons à vive allure, je tente de tout saisir, de tout retenir de ces premiers instants enchanteurs : le cadre grandiose composé de montagnes et de cimes enneigées, les forêts grimpant tout autour, l’air glacé qui se fait plus rare qu’à l’habitude, les animaux entraperçus. Les troupeaux de wapitis broutant calmement la toundra sont l’occasion du premier arrêt de la balade. Les marmottes profitent du soleil, se préparant déjà à la prochaine saison froide.
Seth nous apprend qu’au-delà de 150 lacs formés par les glaciers s’étendent dans le parc national des montagnes Rocheuses. Il nous parlera des types de roches qui le constituent – du granit, du schiste et du gneiss –, des cerfs de Virginie et des orignaux qui y habitent, nombreux, et des ours noirs qui sortent quelquefois de la forêt en fin de soirée pour aller faire un petit tour en ville.
En sa compagnie, nous traverserons trois écosystèmes : alpin, subalpin et montagnard. Le tout se déroule de façon fluide, chaque paysage étant délicatement remplacé par un autre, comme un triptyque dont les tableaux sont dévoilés un à la fois. Au bord de la route, beaucoup de neige tout d’abord, qui laisse doucement place à des rangées de pins soigneusement alignées et au parfum à jamais gravé en moi. Au loin, invariablement, la triomphante cime de Longs Peak, la plus haute et fière montagne du parc.
La neige fondant au soleil, de l’eau ruisselle sous nos roues jusqu’au point de notre deuxième arrêt, la Rainbow Curve. De là, un point de vue imprenable sur le parc et la Hidden Valley. C’est ici que je mets mon manteau d’hiver de côté, la température s’étant agréablement élevée.
Nous roulons près d’une heure entre les haltes, et en même temps que le soleil se dévoile, la circulation automobile s’intensifie, raison pour laquelle nous sommes partis du sommet à 7 h. Mis à part ces bourrasques qui surviennent à tout instant, chaque partie du trajet se déroule à merveille. L’air est frais, et le groupe n’a unanimement pas trop peur de prendre de la vitesse dans la pente descendante.
Nous atteignons le troisième arrêt, baptisé Many Parks Curve, sans même avoir poussé sur les pédales. À l’intérieur de cette courbe et sur cette passerelle de bois – un emplacement presque aussi populaire que celui se trouvant au sommet –, les touristes et les automobiles affluent. C’est qu’il y fait nettement plus chaud et que la perspective est magnifique sur la forêt, les montagnes, les arbres Aspen, « ceux-là mêmes qui s’appliquent à régénérer la forêt à la suite des multiples incendies», spécifie Seth.
Un cerf mulet passe, suivi de tout un troupeau. Les bêtes donnent l’impression qu’elles possèdent le parc et sa forêt. Nous poursuivons notre chemin jusqu’au Horseshoe Park vêtus de simples t-shirts. Quelques efforts supplémentaires s’avèrent nécessaires pour gravir l’unique montée de 400 m (7%). Au belvédère, je prends le temps de m’asseoir un moment sur un rocher, à travers les fleurs sauvages, afin d’apprécier le panorama sur les lacs Sheep et la montagne Bighorn. Une vraie carte postale… en mieux !
Si la descente se termine par un pique-nique dans le parc au pied des montagnes, la promenade se prolonge ensuite par la traversée de la petite ville d’Estes Park. La Old Fall River Road, piste cyclable jouxtant le secteur nord du lac Estes, puis les nombreux sentiers de vélo mènent aux quartiers généraux de New Venture Cycling, là où a commencé cette idyllique aventure.
Repères
Downhill dans la Trail Ridge East du parc national des montagnes Rocheuses
Tarif: 85 $ US
Durée : 5 heures
Distance parcourue : 42 km
Niveau de difficulté : de facile à modéré
Surface : route bitumée partagée avec les voitures
Période : de juin à octobre, selon la température
La balade inclut: le prêt d’un vélo de montagne et d’un casque, une bouteille d’eau réutilisable, des collations, le transport jusqu’au point de départ au sommet et l’assistance en minifourgonnette (si nécessaire lors de la descente).
On apporte : plusieurs couches de vêtements chauds et confortables (manteau, pantalon long, tuque, gants, chandail, t-shirt), un imperméable, de la crème solaire et des lunettes de soleil newventurecycling.com