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Hors-Québec

Écoute Séville murmurer

05-11-2019
Spanish Square (Plaza de Espana) in Sevilla at sunset, Spain.

plaza de España Photo: STOCK / MARQUES

Je n’aurais pu rêver d’un guide plus passionné que Justo Lora Calvo pour découvrir Séville à vélo. En fait, le gérant de la compagnie SeeByBike est le guide le plus enflammé et le plus épris de sa ville avec qui il m’a été donné de rouler de par le monde. «Écoute l’histoire de Séville murmurer», m’a-t-il chuchoté après notre traversée de la célèbre plaza de España. Notre promenade se déroulera sous le signe du passé, de la confidence et de la ferveur.

Les clés de Séville

Séville : quatrième ville d’Espagne

690 000 habitants

Langue parlée : espagnol

Toutes les visites guidées de SeeByBike sont offertes en français.

Le Daily Bike Tour, d’une douzaine de kilomètres, se déroule chaque jour en matinée et est d’une durée de trois heures.

SeeByBike propose d’autres excursions et loue des vélos.

seebybike.com

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« La culture du vélo a de tout temps été ancrée à Séville, observe Justo alors que nous nous apprêtons à quitter la boutique SeeByBike, au marché del Arenal, point de départ de notre circuit guidé de trois heures dans la capitale andalouse. Nous possédons les infrastructures nécessaires pour combler les cyclistes. Il y a huit ans, nous avons construit l’un des plus importants réseaux de voies cyclables au monde: 246 km dans la province, dont 140 km dans la ville même. La seconde partie de ce projet prévoit adjoindre 200 km au cours des quatre prochaines années. »

Le climat idéal – sauf peut-être lors des mois les plus chauds de l’été –, le terrain plat et la circulation sécuritaire sur le réseau comprenant une majorité de voies cyclables vertes, asphaltées et séparées de la circulation automobile sont d’autres raisons qui classent désormais Séville dans le top 10 des destinations bike-friendly d’Europe.

Si SeeByBike (l’un des quatre établissements sévillans de tourisme à vélo) où j’ai rejoint Justo occupe un vaste espace du marché del Arenal, c’est que c’est là qu’est entreposée sa flotte de vélos. « Nos parcours guidés sont pratiquement toujours complets, nos 370 vélos sont loués presque chaque jour, les touristes ont un réel désir de parcourir Séville à vélo. La preuve : il y avait très peu de bike shops lorsque nous avons ouvert il y a sept ans. Aujourd’hui, une soixantaine sont disséminés dans la ville. »

À l’instar des touristes, les Sévillans euxmêmes n’ont pas tardé à s’approprier ce réseau de pistes cyclables leur permettant de se déplacer aisément et sécuritairement d’un quartier à l’autre. Mis sur pied en 2007, le système public de location de vélos Sevici leur donne la possibilité de circuler de façon durable et écologique entre les 250 stations de la capitale. Ce système fonctionne: les 2500 vélos auraient été utilisés à ce jour à au-delà de 10 millions de reprises, pour une moyenne de 25 000 utilisations journalières

Découvrir Séville à travers les yeux de Justo

fleuve Guadalquivir

Le fleuve Guadalquivir et sa tour dorée
Photo: TOURISME SÉVILLE

C’est un vélo vintage italien que j’enfourche à l’occasion de cette balade historique. Panier en osier devant, en plein visage le soleil d’août encore timide en cette matinée parfaite, Justo et moi quittons le marché del Arenal en blaguant comme si nous étions de vieux amis. « Nos guides adorent l’histoire et ils étudient beaucoup. En réalité, nous sommes tous fous : nos passions sont le vélo, l’histoire et… le surf que nous ne pratiquons, malheureusement, qu’au Portugal», remarque-t-il en riant.

Je sens mon guide fébrile de partir ainsi en exploration dans sa précieuse Séville. C’est réjouissant de voir son enthousiasme éprouvé et manifesté jour après jour, et ce, depuis sept ans. Nous sommes chanceux de faire tous deux ce qui nous rend heureux. Et cela nous a permis de nous rencontrer.

Alcazar de Séville

Les jardins de l’Alcazar
Photo: TOURISME SÉVILLE

Une piste cyclable toute lisse et peinte en vert longe le paseo de Cristóbal Colón, au bord du canal Alfonso-XIII aboutissant au fleuve Guadalquivir qui, plus loin, se jette dans l’océan Atlantique. «Nous ne serions pas là sans le fleuve, dit-il. C’est la vie de Séville, la raison de son existence. Toutes les civilisations venues ici l’ont fait par le cours d’eau et ont changé son nom au passage. Nous sommes à l’endroit exact d’où étaient entrepris les périples relatifs à la course aux Indes. C’est le centre du monde, là où se situait la capitale mondiale de commerce transatlantique et d’où partaient la plupart des expéditions d’exploration de la première moitié du XVIe siècle », expose-t-il en me pointant la Torre del Oro, la «Tour de l’Or»

Hercule, Jules César, Ferdinand III de Castille… Mon guide me raconte ces figures emblématiques de l’histoire et la fondation de Séville. Nous franchissons le canal en montant sur le pont Isabel-II – appelé pont de Triana par les Sévillans et véritable icône de la ville selon Justo –, où nous nous arrêtons, 1 km à l’ouest, admirer ce fleuve dont le nom arabe actuel signifie «la grande vallée».

Sur la rive ouest du canal s’étend le quartier bohème de Triana, que mon nouvel ami affectionne particulièrement. «Les gens nés ici disent qu’ils viennent de Triana et non de Séville.» Il est vrai qu’il règne une atmosphère singulière dans ce district ayant vu naître et créer plusieurs artistes espagnols reconnus et où les bohémiens devenus forgerons seraient, en quelque sorte, les inventeurs de la branche gipsy du flamenco. «Triana est une usine à artistes: des poètes, des danseurs, des musiciens y ont habité, et des plaques commémoratives sont apposées çà et là dans le quartier, devant les maisons où ils ont vécu », mentionne mon guide alors que nous allons vers la plaza del Altozano par la rue San Jacinto.

« C’est cela, la vie et l’esprit de Séville, ajoutet-il avec élan en désignant d’un geste les Sévillans nombreux sur la place. Séville, c’est bien davantage que ses monuments, ce sont les gens. Partout, les gens se parlent, se retrouvent, socialisent ! » Nous nous faufilons entre les passants dans les étroites rues de Triana menant aux ateliers de poteries et de réputées céramiques peintes à la main, où je m’immobilise le temps de prendre quelques clichés des devantures, véritables œuvres d’art recouvertes de tuiles colorées.

Nous descendons de nos vélos et pénétrons dans le marché de Triana abritant kiosques de poissons, étals de fruits et de légumes, boucheries et exigus bars à tapas. Ses murs logent également ce qui serait le plus petit théâtre au monde: la CasaLa Teatro, une minuscule salle de 28 sièges présentant chaque soir des spectacles intimes et professionnels de flamenco.

D’un bout à l’autre de la fameuse calle Betis, le long du canal, les terrasses des bars sont déjà passablement occupées – ici, en soirée, ce sera l’heure du flamenco. Nous les contournons en nous dirigeant vers le pont de San Telmo, au bout duquel se dresse la Torre del Oro.

La piste cyclable du paseo de las Delicias aboutit au parc Maria Luisa, cette ancienne forêt devenue l’un des parcs les plus prisés de Séville. Justo m’avoue avoir fait les quatre cents coups en ces lieux, depuis ses pique-niques d’enfance à ses virées historiques et contemplatives d’aujourd’hui.

Nous poursuivons jusqu’à la plaza de España, arrêt incontournable de toute excursion sévillane qui se respecte. Entre les splendeurs chatoyantes de son palais, ses canaux, sa fontaine centrale et ses quatre ponts représentant les royaumes de Castille, d’Aragon, de Navarre et de León, Justo me précise que la planète Naboo du film Star Wars, épisode II: L’attaque des clones ainsi que le palais aperçu dans le film Lawrence d’Arabie sont ici !

Justo Lora Clavo est passionné de sa ville.
Photo: SARAH-ÉMILIE NAULT

Nous assistons dans la rue à un court spectacle de flamenco puis reprenons la route en direction de l’ancienne manufacture de tabac construite par le roi d’Espagne et devenue le rectorat de l’Université de Séville en 1950, un bâtiment du XVIIIe siècle élégant et rempli d’histoire, où se situe l’action de l’opéra Carmen.

Notre passage obligé dans le centre historique nous fait saluer les jardins de l’Alcazar, l’immense cathédrale gothique et sa Giralda, ancien minaret de la grande mosquée de la ville, qui tient lieu de tour à la cathédrale. Y sont également regroupés l’Alcazar et les Archives générales des Indes.

« Sarah, je dois t’emmener dans l’un des plus beaux quartiers sévillans, qui réunit trois cultures vivant en harmonie: juive, arabe et catholique», me lance Justo avant de me conduire dans les ruelles blanches étroites et sinueuses du quartier juif de Santa Cruz. «Entends l’eau qui coule. Elle constitue la trame sonore de Séville», exhorte-t-il en faisant halte devant la fontaine du jardin tranquille de la plaza Doña Elvira.

Le long des anciennes fortifications, sur l’avenue de la Constitution qui nous ramène à notre lieu de départ, le marché del Arenal où nous attendent musique, tapas et boissons locales, je me trouve infiniment privilégiée de pédaler en compagnie de Justo, un Sévillan amoureux fou de sa ville natale et de son histoire, et aussi intense qu’un air de flamenco.

 

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