Quatre jours de soleil et de vélo dans la métropole états-unienne, c’est juste assez pour constater une transformation radicale : New York est en train de devenir une vraie ville de vélo!
Le temps de réserver une chambre d’hôtel et de mettre nos vélos pliants Brompton dans le coffre de la voiture, et nous étions en route, à la mi-octobre, en direction de la ville la plus peuplée des États-Unis depuis 1790. Six heures de route dans un mélange de fébrilité et d’appréhension: ma blonde et moi étions déterminés à sillonner la Grosse Pomme sur nos deux-roues, mais nous nous interrogions quant au stress que nous subirions.
J’avais pris la peine de demander conseil à la grande patronne de Vélo Québec, Suzanne Lareau, qui arrivait de sa propre petite escapade cyclo new-yorkaise en compagnie de son fils adolescent. Elle avait adoré mais avait trouvé le traffic intense. J’étais quand même inquiet: mes précédentes visites avaient été une immersion garantie dans le bruit et la circulation infernale.
Dès notre arrivée, ce fut la révélation: les rues de New York, qui logent autant d’habitants que tout le Québec, et 22 millions de personnes si on inclut la banlieue proche, étaient grosso modo plus agréables à pédaler que celles de Montréal. Pas de farce! Que s’est-il passé? La mégapole vit une mutation culturelle dans les transports. Ma blonde et moi avons été renversés.
Notre périple commence à Jersey City, où nous avons déniché une chambre plus abordable dans le quartier plutôt moche de Weehawken, près du Lincoln Tunnel, qui donne directement dans Midtown et le Garment District (où se trouve le Madison Square Garden). Mauvaise idée. Même avec nos Brompton repliés dans leur housse, nous dépendons de l’horaire de la navette de l’hôtel, des taxis ou du transport en commun passant sous le fleuve Hudson. Pas pratique. Cher. La prochaine fois, nous nous trouverons une chambre à Manhattan.
Une fois sur l’île, par contre, tout est radicalement différent. Les Brompton dépliés , nous nous précipitons sur la Manhattan Waterfront Greenway Bike Route, une large et très fréquentée piste cyclable flambant neuve aménagée à grands frais sur la rive du fleuve Hudson, à l’abri de l’infernale 12e Avenue.
Dès notre arrivée, ce fut la révélation: les rues de New York, qui logent autant d’habitants que tout le Québec, et 22 millions de personnes si on inclut la banlieue proche, étaient grosso modo plus agréables à pédaler que celles de Montréal.
Pas de stress!
Cette incroyable piste longe l’Hudson à partir d’Inwood Hill Park, au nord de Hudson Heights, où est situé le fameux musée The Cloisters, véritable rendez-vous avec l’art médiéval et ses cloîtres. Puis nous continuons jusqu’à Battery Park, d’où partent les traversiers vers la Statue de la Liberté. Une dizaine de kilomètres de bonheur. Nous pédalons tout le West Side sans tracas.
Les autorités ont multiplié les chantiers de réaménagement des quais. Plusieurs sont de véritables jardins où on peut s’arrêter pour souffler en admirant le fleuve, les pêcheurs, le New Jersey, la grande dame de cuivre, l’ancien New Jersey Terminal ou Ellis Island. À retenir: le Nelson A. Rockefeller Park.
Je vous épargne la chronologie de notre voyage, mais nous en avons profité pour visiter le mémorial de la Grande Famine irlandaise, à un coup de pédale de la nouvelle tour du World Trade Center. Et la High Line, un parc saisissant de 1,6 km aménagé sur un ancien chemin de fer aérien à 9 m au-dessus des rues trépidantes, entre la 30e et Gansevoort St., dans Chelsea. Nous avons laissé nos vélos sur le plancher des vaches et grimpé vers une étape piétonne bienvenue dans un intense voyage à vélo.
La suite sur l’East River est moins réjouissante, malgré des points de vue mémorables sur le pont de Brooklyn, Alphabet City et le siège des Nations unies. Plusieurs tronçons de la piste Waterfront ne sont pas complétés, particulièrement autour du terminus vers Staten Island et, surtout, près de l’ONU. La signalisation déficiente rend difficile la navigation entre la piste et les rues environnantes. Bel arrêt toutefois au Carl Schurz Park dans le Upper East Side, où se trouve Gracie Mansion, la résidence du maire. Arbres magnifiques, allées impeccables, vue sur Randall’s Island Park et Astoria, dans le Queens.
Pendant ces quatre jours, nous avons pédalé Midtown, SoHo et le East Village dans Manhattan. Sans oublier Harlem (arrêt sympa au Marcus Garvey Park) et, cela va de soi, Central Park. Grandes avenues, petites rues, intersections achalandées, trafic intense: malgré cette réalité typique d’une mégapole, jamais nous n’avons eu le sentiment de risquer notre vie. Évidemment, il fallait pédaler en vrai cycliste urbain: dans le trafic, à un mètre des voitures stationnées, en signalant constamment nos intentions et en nous éclairant le soir. La plupart des conducteurs ont été courtois. Même les taxis!
Pratique, le Citi Bike
Autre sentiment surréaliste: faire du vélo sur la piste cyclable de… Broadway. Sur le segment reliant Central Park à Times Square, nous circulions dans une mer de New-Yorkais juchés sur leurs City Bikes — version locale de notre cher BIXI —, tailleur Chanel et talons aiguilles, costar et cravate, sirotant un moka Starbucks ou textant en pédalant. Pratique et abordable, le Citi Bike s’impose pour sillonner The Big Apple. Un conseil: apportez votre cellulaire. Les stations sont plus espacées que chez nous, et les localiser tient parfois de l’exploit. Votre téléphone affichera le plan en ligne, que vous aurez sauvegardé sur votre écran d’accueil. Achetez-vous la carte d’abonnement de sept jours à 25 $, plus avantageuse que le tarif journalier modulable, qui monte rapidement à 12 $. On paie une fois et on consomme sans stress le vélo conçu par Michel Dallaire, construit au Saguenay par Devinci (petit moment de fierté même si à peu près tout le monde, ici, se fout que le Citi Bike soit québécois).
Brooklyn ou le Plateau version NY
Pédaler New York sans se taper le pont de Brooklyn est un sacrilège. L’accès n’est cependant pas aisé: vous devez y arriver par Broadway jusqu’au City Hall Park, puis vous rendre angle Chambers St. et Center St., à l’ombre des imposants immeubles des tribunaux. La traversée n’est pas des plus agréables, surtout les jours d’affluence touristique, car la passerelle non motorisée est partagée par les cyclistes et les milliards de touristes piétons. Une simple ligne rouge isole les deux groupes parfois en guerre ouverte. Et les cyclistes du coin, toujours pressés, tancent agressivement les délinquants malgré eux, égarés sur leur chemin, bouche bée devant le spectacle ambiant. Malgré tout, traverser sur deux roues ce pont mythique est une expérience inoubliable.
De l’autre côté, prenez Flatbush Ave. jusqu’au Prospect Park de Brooklyn, l’autre grand espace vert de New York, presque aussi beau et étendu que Central Park. On y accède en passant sous son très européen arc de triomphe érigé en l’honneur des marins et des pêcheurs. Puis perdez-vous, comme nous, dans les rues environnantes. Brooklyn, c’est le Plateau-MontRoyal de New York, en plus beau. On y apprécie l’architecture, les chouettes restos, les petits squares verdoyants, les arbres, les bandes cyclables dans toutes les directions, la faune de jeunes professionnels, d’étudiants et d’artistes qui ont fui la trop chère et touristique Manhattan.
Attention au retour sur le pont, dont l’accès, angle Flatbush Ave. et Tillary St., est souvent périlleux, car les bandes cyclables se transforment fréquemment en parking pour livreurs, comme à Montréal. L’intensité et la vitesse du trafic, à cet endroit, rappellent le New York des années 1970. Quand les cyclistes étaient aussi bienvenus qu’un chien dans un jeu de quilles.
Repères
■ Votre téléphone intelligent ou votre tablette est un incontournable dans la Grosse Pomme. Négociez un forfait avec votre fournisseur cellulaire ou achetez une carte SIM locale afin de payer moins cher votre bande passante.
■ Avantage Citi Bike : vous alternez les segments pédalés et pédestres au cours de votre voyage. Moins épuisant. Plus de terrain couvert. Pas besoin de rayonner à partir d’une monture cadenassée dans un endroit inquiétant.
■ Times Square est désormais une place piétonne. Impossible d’y pédaler, vu la foule. Attention aux pickpockets.
■ Incontournable : le parc de Dumbo (dans Brooklyn, au pied du pont) et sa vue sur le skyline.
■ Moins connue, mais spectaculaire : la perspective sur Manhattan depuis le minuscule J. Owen Grundy Park, au bout de Montgomery St., dans le quartier historique de Jersey City. Prenez le traversier au World Financial Center, à l’extrémité de Vesey St., dans Tribeca.