Amateurs de cyclotourisme, vient un jour – vers les 10 ans – où votre progéniture est autonome sur son vélo. Il faut dès lors choisir la destination selon des critères précis : un terrain de jeu plat, sécuritaire et parsemé d’activités ludiques, de stands de crème glacée et de lieux de baignade. Zachary, 12 ans, s’est attaqué en compagnie de sa famille à l’Île-du-Prince-Édouard, une balade de quelque 250 km. Récit croisé d’un périple papa poule/Zach l’aventurier.
André Poirier : Dès le départ de Kensington en direction de Cavendish, je constate que la route6, très achalandée et dotée d’un accotement aléatoire, n’est pas optimale, surtout que nous avons parmi nous un rejeton d’une autre portée, en l’occurrence Philippe, 11 ans et meilleur ami de Zach. Bien que cette journée s’avère quelconque sur le plan du vélo, le chemin Hamilton, bordé de champs de colza et offrant les premières percées visuelles sur l’océan, nous mettra définitivement en mode vacances.
Zachary Poirier : La journée est épuisante! La route est vallonnée, pourtant tu m’avais dit que ce serait plat! En plus, il y a un gros vent de face, les autos nous klaxonnent, et l’asphalte tout juste refait par endroits cochonne mon vélo !
A. P. : Au cours de la journée suivante, nous posons nos pénates à Cavendish, le secteur le plus touristique de l’île, afin d’explorer les deux attractions du coin, le parc national de l’Île-duPrince-Édouard et la maison d’Anne of Green Gables.
Z. P. : Dès le premier soir, pendant que les parents étirent le souper sur une terrasse, Phil et moi allons explorer les falaises du parc. C’est plutôt casse-cou – et peut-être illégal? Des Japonais nous prennent en photo, c’est rigolo. Les adultes ratent le coucher de soleil le plus beau que j’aie jamais vu.
A. P.: Ce n’est pas n’importe quelle terrasse, c’est la terrasse du resto The Lost Anchor, qui sert les fish and chips les plus mémorables qu’il m’ait été donné de manger! Quant aux falaises de grès, elles sont l’une des marques de commerce de l’île, et il faut y faire très attention, car elles s’érodent extrêmement facilement.
Le jour suivant, la troupe se disperse dans différentes directions. Les autres membres de la famille enfourchent leur vélo à la découverte des différents secteurs du parc tandis que nous optons pour la visite de la maison d’Anne, cette jeune fille aux légendaires tresses rousses.
Z. P. : Pas du tout tentés par les couettes d’Anne, nous décidons d’aller au parc d’attractions Shining Waters Family Fun Park. Les glissades d’eau sont super !
A. P.: En après-midi, tout le monde se retrouve à la plage de Cavendish intégrée au parc. Au menu, une plage de sable fin à perte de vue, un pavillon et une cantine impeccables, de l’espace en masse. À parcourir à pied ou à vélo: au milieu de dunes et d’étangs d’eau douce, 12 km de sentiers dont une longue passerelle de bois flottant littéralement au-dessus d’un marais salé.
Z. P.: Pour la baignade, nous avons à franchir 50m de galets qui me font sentir comme un fakir marchant sur des tisons. Après, ça redevient du beau sable, et l’eau est vraiment bonne ! En plus, pas de méduses !
A. P.: C’est à regret que nous quittons Cavendish en direction d’un autre secteur du parc: Brackley Beach. Mais ce n’est pas avant d’avoir parcouru, le long du golfe, les 12 km de l’emblématique piste cyclable du parc, qui jouit de vues imprenables sur les fameuses falaises de grès! En fait, le parc est constitué de trois secteurs : Cavendish, Brackley Beach et Greenwich. Séparés les uns des autres par des baies, ils ont chacun une personnalité propre. Nous rejoignons notre destination en alternant entre la route 6, sans intérêt, et de paisibles routes de campagne comme la 243 et la 242, qui donnent sur la mer.
À destination, l’hôtel des Shaw, à proximité du parc national, est un choix incontournable. Inauguré en 1860, cet hôtel, le plus vieux au Canada tenu sans discontinuer par une même famille, a conservé son cachet original
Z. P. : Pas de galets à Brackley Beach, que du beau sable et de l’eau chaude! Mais le clou de la journée – sinon du voyage – est de sauter du haut d’un quai d’environ 3 m avant d’être emporté par le courant jusqu’à la plage, quelques mètres plus bas. Au début, j’ai peur, mais je prends mon courage à deux mains et je me lance.
A. P. : Ce quai plongeoir est dans un petit port de mer rattaché à la ville de York, 4 km à l’est de l’hôtel. On y trouve aussi quelques cabanes qui servent des fruits de mer et du fast food.
La quatrième journée de notre périple, nous choisissons d’aller nous éclater dans la capitale, Charlottetown. Pour rejoindre la ville, nous nous engageons sur la piste cyclable le long de la mer, vers l’est, sur une dizaine de kilomètres, en savourant les derniers instants dans ce parc si bien adapté aux cyclistes. Nous parvenons au Sentier de la Confédération, lequel nous mènera jusqu’au cœur de Charlottetown et à notre dodo, les résidences étudiantes The Glendenning.
Charlottetown s’explore à pied ou à vélo en une journée. À faire: visiter la basilique St. Dunstan, faire un tour à l’usine de fabrication de crème glacée Cows (pour les enfants, petits et grands!), flâner dans le port et écouter un band de musique sur l’esplanade, se délecter de fruits de mer au Water Prince Corner Shop.
Z. P. : La ville est petite mais vraiment belle. La visite de la boutique Freak Lunchbox, où on vend tous les bonbons inimaginables, est super cool. Philippe vide presque son portemonnaie dans l’achat de grillons rôtis! Beurk !
A. P.: La région le long du détroit de Northumberland, bien que moins spectaculaire que le nord, se prête bien au vélo en famille, le trafic routier y étant faible et le terrain moins accidenté. Une particularité: champs, falaises, chemins de terre, tout est ocré en raison de la forte concentration d’oxyde de fer de l’île. Les vélos et vêtements ne tardent pas à suivre. Les occasions de baignade étant rares, un arrêt au parc provincial d’Argyle Shore s’impose.
Z. P.: Pour se baigner, on descend directement dans la mer par un escalier très raide. Il n’y a pas de plage et l’eau est rouge, je ne distingue pas mes orteils dans 30 cm d’eau. J’ai la mauvaise idée d’entrer dans l’eau avec mon maillot blanc, et il devient quasiment de la couleur du chandail du Canadien !
A. P. : Avec ses 104 âmes, Victoria by the Sea est un charmant village figé dans le temps, comptant tout de même un port de pêche, une chocolaterie, un théâtre et un restaurant couru, le Landmark Café, tenu par un Québécois. Dans la fenêtre du resto, on peut lire: «Service en français», et en petites lettres dessous : «Service en anglais aussi » !
La dernière journée offre de splendides vues sur le pont de la Confédération. C’est qu’il impressionne, ce pont: long de 13 km, il doit résister aux blocs de glace en mouvement et aux vents puissants. Nous regagnons Kensington en roulant dans le « pays de la patate» et des Fermes Cavendish par une succession de routes champêtres (la 116, la 115, la 114, la 225 et la 109). En fin de compte, l’Île-du-Prince-Édouard a tout pour plaire aux familles sur roues. Ce n’est pas sans raison que le magazine National Geographic Traveler l’a placée au 17e rang des 99meilleures destinations côtières au monde.
Z. P. : Plus je fais des voyages à vélo, plus j’aime le fait d’être complètement autonome, de vivre en utilisant le moins de choses possible et de ne dépendre de personne. C’est vrai que ça va moins vite qu’en auto, mais on a davantage le temps de profiter du décor. Même s’il y a des bouts plates, des paysages monotones, du trafic, des côtes, des douleurs aux cuisses, aux mollets et aux fesses, à la fin, on est fier et on apprécie d’autant plus la pause de fin de journée. Bref, je referai des voyages de vélo.
Repères
The Lost Anchor à Cavendish : Le poisson-frites et la terrasse sont fameux.
Shaw’s Hotel à Brackley Beach : Les trois repas sont préparés à partir de produits locaux.
Water Prince Corner Shop à Charlottetown: C’est l’endroit où manger du poisson et des fruits de mer dans un décor décontracté ; réservez, car c’est la place la plus courue en ville. The
Glendenning à Charlottetown: Cette résidence étudiante du Holland College, sans flafla, présente le meilleur rapport qualité-prix de la capitale.
Landmark Café à Victoria by the Sea : Sa terrasse et son ambiance sont vraiment cool.
MapMyRide: mapmyride.com/routes/ view/1614759010