Nous sommes tous des individus uniques dont l’organisme répond plus ou moins bien à un programme d’entraînement donné. Regard sur l’entraînabilité, cette capacité à réagir positivement et efficacement à un entraînement.
L’acronyme est franchement tiré par les cheveux. Pourtant, l’étude des familles HERITAGE (HEalth RIsk factors Training And GEnetics) a bouleversé notre compréhension des sciences de l’activité physique et de l’entraînement et s’est imposée comme un classique dans ces domaines. Vingt-cinq ans après la publication des premières conclusions, celles-ci sont toujours actuelles.
La première phase de cette étude financée à hauteur de 20 millions de dollars par le gouvernement américain, une chose très rare en sciences de l’activité physique, n’était pas anodine. Ce sont 742personnes sédentaires provenant de 98 familles qui ont été recrutées dans quatre centres de recherche nord-américains, dont l’Université Laval. Durant 20 semaines consécutives et à raison de trois séances hebdomadaires, ces personnes s’astreignaient simultanément à une même séance de vélo stationnaire supervisée. Autrement dit: toutes étaient exposées à un programme d’entraînement strictement identique.
Au début et à la fin de l’étude, une généreuse batterie de tests était administrée à chaque participant. À cette occasion, la capacité aérobie maximale, ou VO2max, était analysée. Le but: évaluer l’impact du programme d’entraînement standardisé sur la capacité des sujets à brûler de l’oxygène à l’exercice.
Quatre ans après ses débuts, HERITAGE a généré ses premiers résultats. Et quels résultats : l’ensemble des 742 sujets a répondu de manière différente à l’entraînement. Chez certains, le VO2max n’avait presque pas bougé – il ne dépassait même pas la marge d’erreur inhérente à la mesure. Pour d’autres, c’était exactement l’opposé: la valeur avait plus que doublé ! En moyenne, ceux qui répondaient bien à l’exercice demandé se sont améliorés de cinq à dix fois plus que ceux qui y répondaient moins bien.
La conclusion est implacable: en matière de réponse à l’entraînement, ou entraînabilité, certains sont mieux pourvus que d’autres. Ou, comme le dit si élégamment Claude Bouchard, directeur du Laboratoire de génomique humaine du Centre de recherche biomédicale Pennington de l’Université d’État de la Louisiane et grand timonier d’HERITAGE, en entrevue avec Vélo Mag: «Il y a de la variation humaine dans la capacité à s’adapter à l’entraînement.»
Pour trouver chaussure à son pied en matière d’entraînement
Fuyez les programmes d’entraînement génériques
Par définition, ces programmes qu’on trouve surtout dans les ouvrages populaires sur l’entraînement ne sont pas adaptés à vos besoins uniques. Loin d’être inutiles – ils sont excellents pour s’inspirer, se donner des lignes directrices ou commencer à s’entraîner –, ils s’accompagnent néanmoins d’un fort risque d’entraînement inadéquat (insuffisant ou excessif) ou de blessures, ou des deux à la fois.
Variez votre entraînement
Aucune formule d’entraînement n’est meilleure qu’une autre; chacune a des effets plus ou moins prononcés sur les divers déterminants de la performance. Varier son entraînement, c’est s’entraîner dans une large gamme d’intensités afin de maximiser son profit, et ce, peu importe si on répond bien ou non à un certain type de stimulation.
Quantifiez vos progrès
À l’aide d’un logiciel d’entraînement sophistiqué ou d’un bon vieux tableur Excel, colligez des données telles que votre état de fatigue, le niveau de difficulté de vos séances d’entraînement et votre volume d’entraînement global. Ce n’est que par cette approche empirique empreinte de subjectivité honnête que vous discernerez des corrélations et des tendances révélatrices de votre réponse à l’entraînement.
Pas une fatalité
Derrière chaque grand athlète se cache avant tout quelqu’un qui répond bien à l’entraînement. Sans diminuer l’importance du travail acharné et constant, le fait est que le succès à vélo, comme dans tous les sports d’endurance, est tributaire d’une bonne entraînabilité. Un âne, même s’il s’exerce pendant 10 000 heures, ne courra jamais aussi vite qu’un guépard. Si un sportif qui n’a pas la génétique appropriée ne rejoindra jamais le clan des bons, il peut cependant améliorer la qualité de sa réponse à l’entraînement en choisissant celui qui lui va comme un gant. C’est là toute la subtilité de l’entraînement: comment puis-je en maximiser l’efficacité? Pour quelle approche dois-je opter afin de devenir la meilleure version possible de moi-même ? Bref, qu’est-ce qui me convient?
Les réponses à ces questions ne sont pas si simples. La science, aussi avancée soit-elle, étudie, analyse et documente la réponse de la moyenne. Pas la vôtre ni celle de ces données aberrantes qu’on retrouve inévitablement dans les statistiques.
Par exemple, en dépit de nombreuses études qui concluent que, pour développer les qualités athlétiques relatives aux sports d’endurance, l’entraînement par intervalles à haute intensité est plus efficace que l’entraînement continu à basse intensité chez la moyenne des individus, on ignore encore si la distribution des résultats entre ces deux types d’entraînement est la même. Autrement dit, impossible de savoir pour sûr si certains individus répondent mieux à l’une des deux formules qu’à l’autre.
Heureusement, l’entraînement n’est pas seulement affaire de performance. Revenons à HERITAGE: outre le VO2max, les chercheurs ont également mesuré des variables telles que la tension artérielle et le cholestérol au début et à la fin du programme d’entraînement de 20 semaines. Sans surprise, tous les sujets ont amélioré au moins en partie leur santé, même ceux dont la capacité aérobie a stagné.
La conclusion, bien qu’assez évidente, appartient au Lévisien d’origine Claude Bouchard, dont la carrière a été profondément transformée par HERITAGE: «Personne ne répond bien à tous les stimuli. Et, à l’opposé, personne ne répond mal à tous les stimuli. C’est pourquoi tous gagnent à s’entraîner.»
Le truc de Maxime
CONTRE-EFFORT
Lors d’une séance d’entraînement par intervalles, vous pouvez moduler maints paramètres, dont le nombre de répétitions, l’intensité des efforts et la durée des périodes de récupération. Or, avez-vous pensé à carrément supprimer le repos de la période de récupération pour le remplacer à l’occasion par des efforts d’intensité moindre mais tout de même significatifs (75-80% de la PAM)? Bien que très difficiles, ces contre-efforts amélioreront votre tolérance à la douleur et à la fatigue. De plus, ils sont très spécifiques à des situations réelles, comme une relance après l’ascension d’une côte.
Maxime Bilodeau détient un baccalauréat en kinésiologie.