Réduire son empreinte écologique, améliorer sa santé et performer: voilà des objectifs que beaucoup poursuivent. C’est le défi que relève Antoine Jolicoeur Desroches, athlète professionnel en triathlon longue distance depuis déjà plusieurs années.
Troquer la viande pour le tofu permettrait entre autres d’émettre pas loin de douze fois moins de CO2 en outre d’aider à l’amélioration de la qualité globale de l’alimentation. Qui dit meilleure santé pense automatiquement à meilleur bien-être et augmentation potentielle de la performance.
Les plus récents rapports sur la santé durable formulent diverses recommandations, dont celle de diminuer considérablement notre consommation de produits issus d’animaux. Cela amène à se pencher sur l’alimentation végétalienne. Plus restrictive dans ses inclusions que les autres façons s’alimenter, celle-ci est néanmoins adaptée à un mode de vie sain pour tous de même que pour les athlètes de haut niveau. Le principe? Éliminer tous les produits issus d’animaux, que ce soit les viandes, les produits laitiers ou le miel.
Comment faire pour intégrer facilement une telle alimentation dans un mode de vie alliant travail, entraînement, compétitions et déplacements? Antoine Jolicoeur Desroches, dit le «triathlète végétalien», nous donne la recette.
Vous êtes triathlonien depuis une longue décennie, et on vous voit performer tout au long de la saison aux quatre coins du globe. Comment vous préparez-vous pour ces déplacements, considérant que votre alimentation comporte des restrictions difficiles à appliquer lors des escales ou dans d’autres pays?
Ces dernières années, trouver des options végétaliennes lorsque je voyage est devenu beaucoup plus facile. À mes débuts, les aéroports étaient problématiques, mais maintenant, la grande majorité propose un mets végétalien ou du moins végétarien ; quand les restaurants ont seulement des plats végétariens, il est souvent possible de demander d’y omettre le fromage ou la mayonnaise. J’utilise aussi l’application HappyCow, qui repère les restaurants végétariens et végétaliens à proximité.
Anecdote: il y a quelques années, j’ai participé à un triathlon en Guadeloupe, et je logeais dans une famille française qui m’a servi, en guise de premier repas… du boudin, de la viande et du fromage. En pareil cas, j’offre toujours de cuisiner ou d’apporter un plat cuisiné, et j’en profite pour le faire goûter à mes hôtes.
Vous avez choisi d’être végétalien à une période où presque personne ne s’intéressait à ce mode d’alimentation. Quels sont les motifs qui vous ont poussé à l’adopter, sachant que cela entrainerait des changements radicaux et davantage de compromis au quotidien?
Au début, c’était pour des raisons éthiques. J’ai vu un court vidéo sur la cruauté animale et j’ai arrêté immédiatement de manger de la viande. Ensuite, le visionnement du documentaire Cowspiracy, qui traite de l’impact de la consommation de viande et de produits laitiers sur l’environnement, m’a incité à opérer la transition du végétarisme au végétalisme. Par la suite, j’ai pris connaissance des effets positifs d’une telle alimentation sur la santé et sur la performance, surtout lorsqu’on apprend à bien cuisiner et qu’elle fait partie de notre mode de vie.
Contrairement à un individu sédentaire, un athlète dépense énormément de calories à l’entraînement et a des besoins particuliers, notamment des apports plus élevés en protéines et en glucides. Il est également indispensable de rester vigilant quant aux apports en fer, en zinc et en vitamine B12, qu’on trouve principalement dans les produits animaux. Quels sont vos trucs au quotidien afin de combler totalement vos besoins, et comment réussissez-vous à vous assurer que vous ne manquez de rien?
Lorsque je suis devenu végétalien, j’ai essayé d’avoir une alimentation très clean, c’est-à-dire composée principalement de fruits et légumes. Par contre, j’ai vite réalisé que j’avais besoin d’aller chercher davantage de calories (et de glucides) dans le pain, le riz et les pommes de terre (que je mangeais déjà) en vue de me permettre de m’entraîner plusieurs heures par jour. Mon alimentation est assez similaire à celle d’avant, sauf que j’ai remplacé la viande, les œufs et les produits laitiers par du tofu, du tempeh, des edamames et une bonne quantité de légumineuses.
Pour ce qui est des protéines, les possibilités sont nombreuses, et elles me suffisent amplement à tous les repas, comblant mes besoins sans que j’aie à y prêter vraiment attention. Par exemple, le matin j’ajoute du lait de soya, du beurre de noix, des noix ou des graines à mon repas. Le midi, je me prépare fréquemment une salade de quinoa avec des légumineuses, ou tout simplement du pain tartiné de houmous. Au souper, je mange souvent du tempeh, du tofu ou des légumineuses. J’aime aussi beaucoup le seitan, un aliment produit à partir de gluten de blé (qui est une protéine végétale).
En ce qui concerne les suppléments, je prends du fer et des vitamines D et B12. Les déficiences en fer sont fréquentes chez les athlètes, particulièrement les athlètes d’endurance. Avant même d’être végétarien ou végétalien, j’ai eu une carence en fer. Il est important d’effectuer régulièrement des prises de sang– surtout si on change son alimentation – dans le but de diagnostiquer rapidement si déficits il y a.
Je prends extrêmement rarement des suppléments de protéines, cependant j’aime bien en ajouter à mes recettes, par exemple à mes crêpes, à mon gruau. Ceux que j’utilise contiennent un mélange de protéines de pois, de riz brun et de citrouille.
Ayant étudié en sciences des aliments et suivi quelques cours en nutrition, vous demeurez avec une base plus avancée que beaucoup d’athlètes néophytes en la matière. Avez-vous des conseils pour aider ces gens à intégrer davantage l’alimentation végétalienne tout en évitant les carences en vitamines et minéraux?
Je pense qu’il est vraiment plus facile d’y aller de façon progressive et que plusieurs stratégies sont possibles. Personnellement, j’ai d’abord éliminé les unes après les autres certains protéines animales, en débutant par la viande rouge pour terminer par les œufs et les produits laitiers. On peut également commencer par prendre des déjeuners végétaliens pendant quelques semaines, et lorsqu’on sent que l’habitude est acquise, on introduit des plats végétaliens aux autres repas.
Ma suggestion ultime est de garder le tout le plus simple possible! Michael Pollan, un auteur que j’aime énormément, a écrit: «Eat food, not too much, mostly plants.» C’est aussi élémentaire que ça ! Souvent, on a tendance à rendre l’alimentation trop compliquée. Compter ses calories et ses macronutriments n’est pas nécessaire. Si vous mangez une alimentation variée et équilibrée dans laquelle vous incluez des fruits et légumes de toutes les couleurs, vous avez probablement déjà une alimentation saine, durable et propice à une meilleure performance.