Les cyclistes ne sont pas épargnés par la pandémie. Ils connaissent eux aussi un fond d’anxiété, ou encore des doutes, des peurs, qui nuisent à leur pratique. Histoire de vous aider à pédaler plus sereinement, nous avons parlé à Amélie Soulard, psychologue et préparatrice mentale à l’Institut national du sport du Québec.
Est-il normal, dans une période trouble, de souffrir d’anxiété et d’avoir des difficultés à s’entraîner et à s’adonner à sa passion sportive ?
L’essoufflement est logique, dans une période de confinement. Tous les domaines sont touchés, y compris la pratique sportive. Nous n’avons pas une énergie mentale et une énergie physique, nous avons une énergie tout court. Nous puisons dans cette bonbonne d’énergie qui se vide. Le cerveau envoie au corps un message : « Ta bonbonne est vide. Refais tes réserves. Repose-toi ». Il est donc normal d’avoir du mal à s’impliquer dans son sport.
Pour beaucoup de cyclistes, les objectifs que sont une compétition, un défi, un raid, une bonne sortie ont disparu. Comment rester motivé ?
La disparition d’un objectif provoque une série de phases.
La première est le choc : le projet tombe à l’eau, on est déstabilisé et on se demande ce qu’on fera.
Ensuite vient la phase héroïque. On se remet l’entraînement, on s’adapte en adoptant le virtuel, on se lance des défis… Ce sprint ne pourra pas se dérouler éternellement.
Cette phase est généralement suivie par une période de découragement. La perte de repères risque de causer des dépressions, des troubles d’anxiété.
À la phase suivante, on voit la lumière, le déconfinement éventuel. Les sorties reprennent et l’énergie revient. Le danger est de s’exciter et de recommencer trop vite.
Justement, comment se passe la reprise de l’entraînement ou de la pratique sportive après une période plus difficile ?
Diverses réactions sont possibles.
On peut éprouver le bonheur du retour. Dans l’enthousiasme de retrouver ses coéquipiers, on se lance corps et âme dans l’entraînement. Attention au risque de surentraînement ! Il faut y aller très progressivement et ne pas chercher à compenser ce qu’on n’a pas eu l’occasion de faire.
Il arrive également qu’il y ait une résistance à l’entraînement et à la reprise, suscitée par la crainte de ne pas être à la hauteur et à la comparaison aux autres. C’est là qu’on doit verbaliser, en parler à quelqu’un pour nuancer et relativiser la situation.
Il y a l’inconscience. Au retour, on ne respecte pas les règles, on est un danger pour soi-même et pour les autres.
Enfin, il est possible qu’après une telle période survienne un stress post-traumatique, qu’il soit dû à la mort d’un être cher, à des difficultés financières, à une perte d’emploi…
Comment réagir à tout cela ? On prend le temps de bien analyser la condition physique dans laquelle on est, puis on établit des objectifs simples, on fait des petits pas qui deviennent des petits succès qui mènent à de plus grands succès.
Le cycliste est un sport d’équipe, de gang, qui par la force des choses a tendance à devenir un sport individuel. Comment réagit-on à un tel changement ?
On nourrira d’une autre façon ses besoins d’affiliation sociale, par exemple en partageant ses randonnées virtuellement. Face à un changement de pratique, l’idée est de trouver de nouvelles manières d’apprécier son sport. C’est le propre de la résilience : se redécouvrir à travers un obstacle en allant de l’avant, en se montrant créatif.
Quels sont les signes visibles, dans une pratique sportive, que quelqu’un éprouve des difficultés ?
Des émotions négatives inhabituelles comme la peur, la tristesse, l’anxiété et même la colère apparaissent, et ce, plusieurs jours de suite.
La qualité du sommeil est parfois amoindrie, créant de l’insomnie ou un plus important besoin de dormir.
Certaines habitudes de vie changent : manger davantage, ou moins, consommer de l’alcool ou de la drogue plus que d’habitude.
Ce sont des signes que quelque chose ne va pas.