Si, dans la liste de vos priorités, le sommeil vient après magasiner des roues de carbone, distribuer des kudos sur Strava et vous raser les jambes, lisez les cinq points suivants.
1. Dormir pour progresser
Le sommeil est une des pierres angulaires de la performance. Il constitue, avec l’entraînement et la nutrition, la trinité de tous les cyclistes qui roulent à la tête du peloton plutôt qu’à sa queue, en perdition. « Il existe des liens multiples entre ces trois éléments. Sans un sommeil adéquat, l’athlète ne récupère pas bien de ses efforts, ne s’adapte pas correctement aux charges d’entraînement et finit par sous-performer », explique Jonathan Charest, directeur du programme du sommeil pour les athlètes au Centre for Sleep & Human Performance, à Calgary.
Les ramifications sont nombreuses. C’est en faisant dodo que l’hormone de croissance – celle-là même qui, sous sa forme recombinée (produite artificiellement), fait partie de la liste des substances interdites de l’Agence mondiale antidopage – est sécrétée, tout à fait légalement. Une dose suffisante de sommeil améliore en outre l’attention, ce qui réduit la fréquence des chutes et blessures qui surviennent souvent par manque de vigilance ou en raison d’une prise de risques inutiles. « Reposé, on dispose d’une vision élargie de son environnement. Cela est synonyme d’une meilleure prise de décisions », précise le spécialiste de la médecine comportementale du sommeil.
2. Faire plus de siestes, boire moins de café
Les Espagnols ont tout compris depuis belle lurette : la traditionnelle, quoique menacée, siesta de mi-journée est utile à bien des égards. Jonathan Charest la qualifie même d’« arme secrète » pour les cyclistes, rien de moins ! « La sieste s’inscrit dans la philosophie des gains marginaux, qui part de l’idée que de petits gestes d’apparence anodine peuvent finalement changer la donne, fait valoir l’expert. En la pratiquant, on évite aussi de consommer un café supplémentaire en après-midi, lequel est nuisible à la qualité globale du sommeil. »
Ce dernier point s’explique par la demi-vie assez longue de la caféine. Un cortado avalé à 14 h à la fin d’une #CoffeeRide fait encore ressentir 50 % de ses effets psychostimulants à 20 h. À 2 h du mat, soit en pleine nuit, il en reste encore 25 % dans l’organisme. « Certains vont rétorquer qu’ils sont capables de s’endormir peu après avoir bu un café. C’est vrai, mais je peux leur garantir que l’architecture et la microstructure de leur sommeil en seront affectées, et pas pour le mieux », insiste-t-il. Limitez la sieste à 30 minutes en réglant une alarme. Levez-vous dès que celle-ci se fait entendre.
3. Mettre en réserve du sommeil, ça se peut
Passer plus de temps que pas assez à tutoyer les bras de Morphée permet d’enrichir sa banque personnelle de sommeil, laquelle devrait contenir de 65 à 70 heures par semaine. Concrètement, cela signifie de passer entre 9 et 10 heures par jour en position horizontale, soit un peu plus que les 8 heures recommandées pour la population en général. Pourquoi ? « Plus on accumule les heures d’entraînement, comme les cyclistes ont tendance à le faire, plus la récupération, donc le sommeil, devient déterminante », résume Jonathan Charest.
Cette mise en banque de capital dodo ouvre également la porte à sa dilapidation lorsque les circonstances l’exigent, en compétition par exemple. « Il est rare de dormir du sommeil du juste à la veille d’une course ou d’un événement d’importance. Les effets fâcheux de cette carence seront néanmoins beaucoup moins sévères si le cycliste traîne un excédent de sommeil plutôt qu’une dette », affirme-t-il. Ce calcul stratégique vaut aussi pour les mauvaises nuits que tout un chacun connaît parfois.
4. Comprendre sa chronobiologie
Imaginez que vous pouvez vous coucher et vous lever quand bon vous semble, sans contraintes extérieures. À quelle heure choisissez-vous de poser la tête sur l’oreiller ? La réponse à cette banale question permet de déterminer son « chronotype », c’est-à-dire la tendance naturelle à être du matin ou du soir. « Les personnes matinales préfèrent se coucher tôt puisqu’elles se réveillent spontanément à 5 h ou 6 h du matin. Au contraire, les oiseaux de nuit peinent à s’endormir avant minuit, ce qui les amène à se lever relativement tard, après 8 h », illustre Jonathan Charest.
Savoir où l’on se situe dans ce spectre – la plupart des gens se situent entre les deux, soit de 23 h à 7 h – permet l’individualisation des heures d’entraînement. On comprend mieux pourquoi les gens du soir ont du mal à s’extraire du pays des rêves pour rouler dès l’aube.
« C’est comme si on demandait à un matinal de se lever encore plus tôt, à 3 h ou 4 h, ça n’a pas de sens ! » s’exclame-t-il. Bonne nouvelle : l’accessibilité aux infrastructures pour pratiquer le cyclisme, comme les routes et les sentiers, n’étant pas un enjeu, cela occasionne peu de conflits chronobiologiques.
5. Déjouer le décalage horaire
Il existe deux types de voyage en avion. Le premier implique des déplacements dans le même fuseau horaire, généralement vers le nord ou le sud. C’est de loin le plus facile à absorber pour l’organisme. « Bien s’hydrater durant le vol, se délier les jambes dans l’appareil et avoir une banque de sommeil bien garnie sont autant de stratégies à mettre en place pour minimiser les conséquences », énumère le spécialiste du sommeil. Attention à ne pas succomber à l’appel de la énième tasse de café offerte par le personnel de bord.
Le second type a trait aux déplacements entre fuseaux horaires, vers l’est ou l’ouest. Ce sont les voyages pour lesquels il faut bouleverser sa routine quotidienne trois jours avant son départ afin de mieux encaisser le décalage horaire. « La lumière, les repas, les entraînements et les occasions de socialisation sont autant de synchronisateurs de l’horloge biologique. L’idée est de les avancer ou de les décaler à raison d’une heure par jour selon l’heure de sa destination », conseille Jonathan Charest. Ainsi, une fois qu’on est arrivé dans le nouvel environnement, on retrouvera plus vite de bonnes sensations sur le vélo.