Les derniers kilomètres d’une longue sortie peuvent être difficiles. Qu’en est-il des très très longues sorties ? Peuvent-elles être nocives ? Oui et non.
Connaissant la griserie des belles sorties prolongées, vous serez peut-être tenté de relever le défi d’en faire une extrêmement longue. Votre « Everest » cycliste dépendra de votre expérience : cyclosportive ou Gran Fondo de 160 km pour certains, périple Vancouver-Gaspé pour d’autres, en passant par la mythique Québec-Montréal ou la bucolique traversée de Charlevoix en vélo de montagne. Les plus crinqués iront pour le Paris-Brest-Paris Randonneur (plus de 1200 km ; plusieurs côtes) ou, pire, la Race Across America, ou RAMM (les États-Unis d’ouest en est ; de 4700 à 4900 km).
Quand on a de telles idées de grandeur – de longueur, devrais-je écrire –, voici la question qui nous taraude : y a-t-il des risques pour ma santé ?
Une chose est sûre, c’est que la dépense énergétique dans les très longues aventures cyclistes atteint des valeurs extrêmes que seule l’exploration non motorisée de l’Arctique ou de l’Antarctique surpasse. Des chercheurs britanniques ont mesuré la dépense calorique du cycliste qui a terminé quatrième à la RAMM de 2003 (9 jours, 16 heures et 45 minutes). C’est impressionnant : de 15 100 à 23 280 kcal par jour (c’est pas mal plus que votre voisin sédentaire, avec ses quelque 2100 kcal par jour !). D’où une diminution de son poids de 5 kg : aucune alimentation si gargantuesque soit-elle ne permet de compenser cette dépense énergétique titanesque.
Une autre étude pendant laquelle on a suivi quatre participants au RAMM suggère que ce qui est le plus à craindre dans les épreuves extrêmes de ce genre, c’est la difficulté à gérer les émotions. Quiconque a roulé plusieurs heures sait qu’on devient moins jovial, moins patient et moins souriant quand les kilomètres s’étirent et que les réserves d’énergie s’épuisent. C’est pire quand on ne dort pas suffisamment.
Il faut admettre que quelques recherches indiquent qu’au cours du mois suivant un effort particulièrement long, le système immunitaire est moins efficace. On ne sera pas automatiquement malade (rhume, grippe, gastroentérite), mais le risque qu’on le soit est multiplié environ par trois. À part cela, aucune recherche n’a révélé de séquelles graves chez les participants à des activités cyclistes particulièrement longues. C’est sans doute parce que les sujets y étaient préparés.
Car tout est relatif. En général, les cyclistes qui se lancent dans de grandes aventures ont déjà pas mal de bornes au compteur. D’ailleurs, pour participer à Paris-Brest-Paris Randonneur, il faut prouver qu’on a fait déjà de très longues sorties, ce qu’on appelle des brevets randonneurs mondiaux.
Chose certaine, quiconque augmente trop rapidement sa charge d’entraînement risque fort de s’infliger une blessure d’usure. On dit aussi « de surutilisation ». Il peut par exemple s’agir des syndromes fémoro-patellaire ou de la bandelette ilio-tibiale, d’une tendinite du tendon d’Achille ou d’une ankylose aux épaules et au cou.
En réalité, si le défi d’une sortie extrêmement longue vous emballe, il n’y a pas de craintes à y avoir. Il suffit de veiller à ce que votre charge d’entraînement suive préalablement une lente et longue progression. À titre d’exemple, sachez qu’avant d’entreprendre une sortie d’à peu près 3, 5 ou 7 heures, on recommande d’avoir préalablement effectué (sans s’exténuer) au moins trois sorties d’environ 2,5 heures, 4 heures ou 5-6 heures, respectivement.
Par ailleurs, il est sage de « protéger » ses longues sorties. Il s’agit de s’allouer au moins deux jours de repos actif ou passif avant et après. Et il ne faut jamais tenter de rouler longtemps quand on n’a pas complètement récupéré des séances antérieures. On recommande aussi de ne pas abuser des sorties prolongées. Elles grugent l’énergie dont on a besoin pour effectuer des séances d’entraînement intensives, intermittentes ou, à défaut, continues, qui améliorent les qualités physiques de manière plus prononcée que les séances longues, parce que ces dernières sont effectuées à intensité moins élevée.
Ainsi, les sorties extrêmement longues ne sont pas d’emblée nocives. Il suffit de se donner le temps de bien s’y préparer.
Références
Knechtle, B., A. Enggist et T. Jehle (2005). « Energy turnover at the Race Across America (RAAM)–a case report », International Journal of Sports Medicine, 26:499-503.
Lahart, I. M. et coll. (2013). « Challenges in maintaining emotion regulation in a sleep and energy deprived state induced by the 4800Km Ultra-Endurance Bicycle Race; The Race Across AMerica (RAAM) », Journal of Sports Science and Medicine, 12:481-8.
Le truc de Guy
Le fond à fond
Pour développer votre aptitude à bien terminer une randonnée particulièrement longue, faites, aux 10 jours et pendant quelques semaines, des séances d’entraînement de distance modérée en divisant le parcours en quatre quarts : le premier à intensité élevée, deux quarts à intensité modérée et le dernier quart à intensité au moins aussi élevée que le premier. Vous apprendrez ainsi à bien gérer votre effort dès les premières parties de vos longues aventures à venir.
Capsule scientifique
Matin ou soir ?
Vingt jeunes adultes ont effectué le matin (à 6 h 30) et le soir (à 20 h 45) un test d’évaluation de la puissance aérobie maximale (PAM) sur ergocycle et un test où ils devaient tenir le plus longtemps possible une intensité de 100 % de leur PAM. Étonnamment, l’efficacité de pédalage était 6 % plus faible le soir que le matin. En revanche, le résultat au test d’endurance était 20 % meilleur le soir que le matin (temps limite de 329 et 275 secondes, respectivement). Cette différence pourrait s’expliquer par le fait que, le soir : 1) le VO2max était 4 % plus élevé (54 contre 52 ml/kg/min) ; 2) l’augmentation de la consommation d’oxygène dans le temps était plus rapide ; 3) la capacité anaérobie était 7 % plus élevée. Par ailleurs, la fréquence cardiaque pendant l’effort était plus élevée le soir (193 vs 189 bpm le matin). Bref, même si l’efficacité est réduite le soir, la performance cycliste est meilleure que le matin.
Source
Hill, D. W. (2014). « Morning-evening differences in response to exhaustive severe-intensity exercise », Applied Physiology, Nutrition and Metabolism, 39:248-54.