L’âge mûr affecte-t-il l’aptitude à pédaler intensivement ? Comment améliorer son entraînement alors qu’on a plusieurs années au compteur ?
Ces deux questions me sont immanquablement posées chaque fois que je donne une conférence sur l’entraînement cycliste ! Constat élémentaire : le vieillissement et l’entraînement sont comme deux forces qui s’opposent. Dans certains cas, c’est le vieillissement qui gagne ; des cyclistes âgés, pourtant en bonne condition physique, voient leur vigueur s’atténuer un peu plus chaque année. Dans des cas plus souriants, c’est l’entraînement qui l’emporte ; même après la cinquantaine, intensifier l’entraînement peut encore améliorer significativement la performance cycliste.
Pratiquement tous les principes d’entraînement s’appliquent aussi bien aux plus de 50 ans qu’aux jeunes. D’ailleurs, vous connaissez certainement des cyclistes qui ont franchi le demi-siècle tout en demeurant capables de s’entraîner intensivement… et des jeunots qui s’essoufflent en pianotant sur leur clavier ! À moins d’avoir un grave problème cardiovasculaire, les cyclistes de 50, 60 et même 70 ans peuvent généralement se dépasser, en valeur relative, au moins autant que les jeunes. En réalité, après un certain âge, il n’y a que deux ajustements à apporter à l’entraînement : s’allouer plus de temps pour récupérer et mettre davantage l’accent sur la musculation. Voyons cela de plus près.
À partir de la trentaine, malgré une excellente condition physique, on est de moins en moins apte à récupérer d’une séance intensive. Fini le temps des trois séances intensives d’entraînement par semaine ! Mieux vaut n’en faire qu’une ou deux, sans quoi il faudra réduire l’intensité, ce qui n’est vraiment pas souhaitable.
Par ailleurs, plus on vieillit, plus on a avantage à faire de la musculation. Pourquoi ? Parce que l’entraînement cardio ne sollicite pas assez les fibres musculaires à contraction rapide pour prévenir la sarcopénie, c’est-à-dire la « fonte musculaire » qui accompagne le vieillissement. Entre 30 et 80 ans, la masse musculaire baisse d’environ 30 à 60 %. L’endurance musculaire diminue et la force aussi, à un taux moyen de 4 à 5 % par décennie entre 25 et 50 ans, puis de 10 à 15 % par décennie supplémentaire. À mesure que la sarcopénie s’installe, l’autonomie est mise en péril.
Après un certain âge, pour demeurer en bonne condition physique et préserver le plus longtemps possible l’autonomie fonctionnelle, on a donc tout intérêt à faire de la musculation. À noter que « brasser de la fonte » améliore la performance et le bien-être des jeunes comme des vieux cyclistes par un effet positif sur la puissance musculaire, l’efficacité du pédalage, la posture et, aspect non négligeable, sur la réduction du risque de blessure.
Il n’y a pas d’âge pour entreprendre un entraînement cycliste ou la musculation. Des gains pour la santé restent toujours possibles. Une personne qui commence à pédaler régulièrement dans la cinquantaine en retirera, après environ sept ans, presque autant de bienfaits que celle qui a pédalé toute sa vie. Même après 90 ans, les effets bénéfiques du pédalage et de la musculation sont importants. Inversement, un sportif qui abandonne l’entraînement retombe rapidement au niveau des sédentaires.
Pour tirer le meilleur parti de la musculation, jeunes et moins jeunes doivent utiliser des charges suffisamment élevées pour qu’il soit pratiquement impossible de faire plus de huit à douze répétitions par série. L’idéal est de faire deux ou trois séances intensives de musculation par semaine pendant au moins deux mois chaque année, puis de maintenir les qualités musculaires ainsi acquises avec aussi peu qu’une séance tous les dix jours environ.
Mais attention ! Les cyclistes chevronnés qui se lancent dans un programme de musculation doivent y aller mollo au début et observer une progression particulièrement lente. Leur condition physique supérieure à la moyenne sur le plan cardiovasculaire leur permet généralement de faire un volume d’exercice plus élevé que ce que leurs systèmes articulaire et musculaire peuvent tolérer, d’où le risque accru de blessure. L’idéal est de se donner plusieurs semaines avant d’y aller intensivement.
Bref, la programmation de l’entraînement des cyclistes qui ont passé le cap des 30 ou 40 ans diffère peu de celle des jeunes. Il suffit de miser davantage sur la récupération et la musculation, afin notamment de préserver la masse maigre ainsi que la force et l’endurance musculaires. Avant de cracher sa dernière dent, pour paraphraser l’Eddy Merckx des chansonniers, Jacques Brel, on termine en performant ! Autrement dit, aux corps bien entraînés, la vigueur reste chevillée (dixit le doc Tibo).
Andropause
En vieillissant, les hommes sécrètent moins de testostérone, une hormone sexuelle qui joue un rôle important dans la synthèse de protéines musculaires. C’est l’andropause. Le pourcentage d’hommes qui ont un taux de testostérone anormalement faible est, respectivement, d’environ 20, 40, 70 et 90 % chez les sujets de 50, 60, 70 et 80 ans. Les signes sont de trois ordres : psychologique, physique et sexuel (pas réjouissant !). Ils sont associés à une diminution de la résistance des os, d’où un risque accru de fracture en cas de chute et, pire, à une augmentation du risque de problèmes cardiaques. Heureusement, ces signes sont généralement moins marqués chez les cyclistes en bonne condition physique. Dans le doute, en présence de certains symptômes, informez-en un médecin, qui pourra prescrire de la testostérone de remplacement (interdite par les règlements antidopage, cependant), mais pas nécessairement (il faut être conscient des effets secondaires).
S’échauffer
Durant les cinq premières minutes d’une séance d’entraînement à vélo, plutôt que de mouliner, pédalez à basse cadence (à moins de 80 rpm) et à intensité modérée. Vous pourrez ainsi vous concentrer sur votre coup de pédale et vous assurer de bien passer le point mort (lorsque les manivelles sont à 12 h 30 min). Attendez la seconde moitié de l’échauffement avant de tourner les jambes à cadence plus élevée et d’intensifier l’effort.