Composites
De poids plume et d’une rigidité extrême, les composites sont les champions de la performance. En plus, ils offrent une grande latitude de design, ce qui donne la possibilité de fabriquer des cadres aux formes élaborées sans trop de difficultés techniques. Le cadre au profil aérodynamique en est la parfaite illustration.
Cette même latitude permet également de créer des cadres aux aptitudes très spécifiques sans compromis important sur leur performance ou leur durabilité. On pense ici aux vélos de route hyper légers dotés de haubans minuscules, à la Cervélo R5, ou de cadres dont certains tubes sont volontairement flexibles en vue d’en améliorer le confort, comme le Trek Domane.
Le même raisonnement s’applique aux composantes, avec des objectifs/résultats tout aussi variés. L’immense tige de selle profilée mais légère des Felt IA et AR ou celle, minuscule, flexible tout en étant solide, du nouveau Cannondale SuperSix Evo en sont de bons exemples.
Dans l’industrie du vélo, les matériaux composites sont souvent un assemblage de fibres de carbone ou de verre jointes par une résine époxy. Les deux éléments a priori dissimilaires sont combinés dans le but d’en faire un matériau dont les propriétés sont supérieures à la somme de ses composants individuels. Pensez au bon vieux papier mâché de votre enfance : le façonnage d’un cadre passe par la mise en place, dans un moule, d’une multitude d’empiècements de fibre (les lanières de papier journal) qui seront consolidés par la résine époxy (la colle à base de farine). La qualité du cadre dépend des fibres elles-mêmes, mais surtout du nombre et de la position des empiècements ainsi que de la compaction entre chaque couche afin de réduire la quantité de résine.
Malheureusement pour le consommateur, il est quasi impossible de s’y retrouver, sachant que les rares spécifications sur les fibres utilisées ne dévoilent qu’une infime partie de la recette. En contrepartie, le poids du cadre est un bon indicateur de l’attention portée à sa fabrication : normalement, plus le cadre sera léger, mieux il sera fabriqué.
Aluminium
Malgré la percée phénoménale des composites, l’aluminium reste le matériau le plus employé dans la fabrication de vélos. Après tout, le matériau brut n’est pas onéreux, la construction de tubes est bien maîtrisée, et le soudage d’un cadre, simple et rapide. Au-delà de ces avantages pratiques, l’aluminium se démarque par sa légèreté. En recourant à des tubes volumineux, on compensera sa faible résistance mécanique tout en s’assurant un vélo rigide et léger.
À l’époque des tubes ronds, le débat tournait autour de la qualité des alliages utilisés. Aujourd’hui, on comprend bien que les alliages 7005, 6061, 2024 ont peu d’impact intrinsèque sur la performance du vélo et que tout est question de design. C’est ici que l’hydroformage a changé la donne. Ce procédé moderne laisse place au façonnage de formes relativement élaborées de tubes d’aluminium en même temps qu’il présente un fort potentiel d’optimisation, et ce, à faible coût. Les manufacturiers se servent d’ailleurs de l’hydroformage dans le dessein d’améliorer significativement le comportement de leurs cadres d’aluminium, les formes ressemblant à celles de leurs cadres de composite. Le Cannondale CAAD12 incarne l’archétype du raffinement, alors que Specialized met en œuvre un procédé élaboré de formage et de soudage, faisant de son nouveau Allez un vélo costaud au look intimidant, mais léger et civilisé sur la route.
L’aluminium reste donc un matériau de choix, et il n’est pas près de céder sa place. Incontournable dans la fabrication des vélos de premier prix, le matériau, lorsque travaillé avec un brin d’audace, tient facilement tête, voire dame le pion aux composites d’entrée de gamme en matière de performance.
Titane
Le titane jouit toujours d’une grande notoriété mais il est, il faut bien l’avouer, un brin dépassé par la performance qu’offrent les composites modernes. En outre, le coût élevé du métal et la complexité de la construction d’un cadre se prêtent peu à la structure économique générale de l’industrie du vélo, basée sur de la main-d’œuvre bon marché. Cela est confirmé par l’échec commercial des quelques marques qui ont tenté de mettre sur le marché des cadres au look modernisé constitués de tubes hydroformés. Le matériau est donc pratiquement disparu de l’offre pour le cycliste néophyte et devra s’inscrire dans un processus d’achat plus exigeant.
Insensibilité à la corrosion, solidité, durabilité remarquable, les qualités objectives du titane sont indéniables. Le matériau retient également l’attention par ses avantages intangibles : la vivacité de son comportement est unique, et le design épuré qu’il permet lui confère une simplicité et une beauté qui échappent au jugement du temps.
Les vélos en titane sont l’affaire de quelques manufacturiers spécialisés, la plupart étant des artisans faisant du sur-mesure. Ceux-ci mettent ainsi en valeur la subtilité de leur design de même que la qualité de leur fabrication et de leur finition, jusque dans les moindres détails. C’est que l’aficionado se plaît à comparer la précision et l’espacement des cordons de soudure ou le degré de lustre de la finition des tubes. Tout le contraire de ce que permet un [DB1] cadre en carbone !
Acier
L’acier a réussi à déjouer la prédiction d’extinction que sa longue agonie amenait à formuler : le matériau a trouvé sa niche dans le marché moderne du vélo et semble voué à y rester.
Malmené par les composites et l’aluminium, l’acier a beau avoir disparu du menu des marques principales, on ne peut effacer les valeureux services rendus pendant plus de cent ans. Comme pour les autres matériaux, le marché semble de moins en moins sensible à la nature spécifique ou à la marque des tubes employés, portant son attention sur la valeur ajoutée qu’apporte le design. Ainsi, l’aura des Columbus, Reynolds et autres Dedacciai est beaucoup moins présente qu’avant.
En haut de gamme, l’acier reste une intéressante solution de rechange au titane, comportant grosso modo les mêmes caractéristiques de vivacité et de durabilité avec quelques grammes supplémentaires et beaucoup de dollars en moins. L’industrie des artisans de sur-mesure est d’ailleurs à un niveau de croissance record depuis les années 1980, ce que démontre la popularité phénoménale de foires spécialisées tel le NAHMBS (North American Handmade Bicycle Show).
Le contrecoup de ce phénomène sur l’entrée de gamme se mesure par l’engouement pour les vélos de route rétro abordables et les vélos urbains à pignon fixe. Sinon, la solidité et la durabilité à toute épreuve de l’acier en font encore aujourd’hui le matériau par excellence dans les cas où la fiabilité est primordiale, comme en cyclotourisme.