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Tourisme et vélo : Un couple solide ?

03-06-2024

@ Ian Roberge – Tourisme Cantons-de-l’Est

L’histoire entre tourisme et vélo a commencé comme un mariage de raison. Aujourd’hui, on parle plutôt d’une cohabitation saine, quoique parfois compliquée.

Sur la terrasse de la microbrasserie Le Naufrageur, en cette douce soirée d’été, ils sont reconnaissables : des amis mis en joie par la descente de la Tracadigash, des couples ébahis par les pistes étroites à flanc de falaises, des étrangers qui viennent de loin pour rider, si l’on en juge par leur accent. Pas de doute, tous sont à Carleton-sur-Mer pour prospecter la vingtaine de kilomètres de singletracks du mont Saint-Joseph, une des plus belles éminences de la Gaspésie. Certains sur la terrasse diraient même : du Québec.

« Le vélo de montagne représente 35 % de notre clientèle, qui est surtout québécoise, mais aussi ontarienne, états-unienne et européenne », analyse Olivier Côté Vaillancourt, coordonnateur des opérations du parc régional du Mont- Saint-Joseph. Depuis son ouverture en 2018, ce réseau jouit d’une renommée sans cesse crois- sante, si bien qu’il est aujourd’hui l’une des étapes obligées d’une tournée des centres de vélo de montagne de la Gaspésie. « Il y a aussi plus à l’est le secteur du mont Maria et la station touristique Pin Rouge, à moins d’une heure de voiture. »

Ce qui est vrai dans les sentiers l’est également sur les pistes cyclables, les routes et les chemins de traverse. Le tourisme à vélo a acquis ses lettres de noblesse au Québec dans les dernières années et est devenu un important moteur économique régional. « En raison de la démocratisation du vélo à assistance électrique (VAE), l’activité connaît un essor marqué », confirme Maxime Juneau-Hotte, responsable du développement du tourisme à vélo chez Vélo Québec. Un poste créé il y a un an à peine, soit dit en passant.

Véloroute des baleines @ Tourisme Côte-Nord

Croissance tous azimuts

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Une étude réalisée en 2015 pour le compte de Vélo Québec conclut que les dépenses des cyclistes sont de 6 % supérieures à celles des autres types de touristes. Cela correspond à 214 $ par jour, en moyenne, tous postes confondus (hébergement, restauration, etc.), contre 200 $. « Le tourisme à vélo permet mieux que tout autre mode de dé- placement d’étendre les revenus générés sur l’ensemble du territoire », souligne l’organisme sans but lucratif sur son site web.

Il y a plus. Une enquête menée en 2022 par l’OBNL Le P’tit Train du Nord indique par exemple que les 1,3 million de touristes et d’excursionnistes du plus long parc linéaire au Canada (235 km) soutiennent en saison estivale 815 emplois dans les Laurentides. De surcroît, ces cyclistes – quatre usagers de ce réseau sur cinq se déplacent sur deux roues lors de la belle saison, les autres à pied – génèrent des revenus de l’ordre de 20 millions de dollars. Fait à noter : 40 % des cyclotouristes passent au moins une nuitée en hôtel.

Les associations touristiques régionales misent gros sur cette manne. C’est le cas de Tourisme Montérégie, qui « investit dans les six chiffres par année » dans la promotion du pro- duit vélo, révèle Amélie Caron, qui coordonne le développement du cyclotourisme pour l’organisme. Et quel produit ! Avec ses quelque 500 km de pistes cyclables, la Rive-Sud (Montréal) est taillée sur mesure pour une chevauchée en iti- nérance. La Véloroute gourmande la traverse d’ailleurs, avant de filer vers les Cantons-de-l’Est.

« Le vélo se marie bien avec les tendances de l’agrotourisme, du ralentourisme, du tourisme durable. En fait, il coche toutes les cases ! » s’exclame la coordonnatrice. Y compris celle de l’adaptation aux changements climatiques. « Le nombre de jours-vélo augmentera dans les an- nées et décennies à venir, réchauffement climatique oblige, prévoit David Lecointre, directeur général de la Véloroute des bleuets. Cela signifie que le vélo figurera sans cesse plus haut dans les priorités de l’industrie touristique. »

Véloroute des Baleines @ Tourisme Côte-Nord

Et la prochaine étape ?

Or cette même industrie devra être à la hauteur des attentes, sous peine de les décevoir. L’un des principaux défis à relever a trait aux infrastructures qui, de l’avis de la majorité des intervenants consultés par Vélo Mag, laissent à désirer. Absence de stationnements où garer son vélo en sécurité, impossibilité d’embarquer sa monture dans un train entre Montréal et Québec, nombre insuffisant de bornes pour recharger son VAE à même les circuits cyclables… Les doléances sont nombreuses.

« Il faut adapter ce qui existe déjà et y greffer de nouveaux services, pense David Lecointre, qui est également président de l’Association des réseaux cyclables du Québec. Et ce chantier doit inclure les autres formes de mobilité, pas juste le vélo. » Car l’inclusivité et son corollaire, la pression du nombre, sont selon lui la clé pour justifier de nouveaux aménagements auprès des décideurs. « On ne devrait d’ailleurs plus parler de pistes cyclables, mais bien de pistes multifonctionnelles. »

« La culture automobile est forte, et il y a encore beaucoup de gens à convaincre », renchérit Diane Pilon, coordonnatrice aux communications et aux événements pour l’organisme Le P’tit Train du Nord. Dans un Québec accro à la bagnole, investir des millions de dollars pour amener le produit vélo au niveau supérieur est en effet voué à l’anathème. Il manque pourtant de passages sécurisés, d’interconnexions et de signalisation sur le terrain. « La qualité et la sécurité des aménagements sont au cœur de l’expérience utilisateur », ajoute-t-elle.

Pour mieux affronter les vents contraires, les différents acteurs du vélotourisme sont appelés à faire front commun. Depuis l’année dernière, Maxime Juneau-Hotte, de Vélo Québec, sillonne les quatre coins de la province dans le cadre d’une tournée de consultation et de concertation régionale et sectorielle ; La Grande Traversée du tourisme à vélo, une initiative inédite, débouchera sur la publication d’un plan d’action à la fin de 2024. La démarche sert avant tout à identifier les besoins, les freins et les leviers, de concert avec les diverses parties prenantes, explique le principal intéressé. « Pour casser la glace, je pose toujours la question : “Qui, ici, connaît tout le monde autour de la table ?” Rares sont les mains qui se lèvent », raconte Maxime Juneau-Hotte. L’anec dote en dit long sur le chemin à parcourir avant d’atteindre l’objectif ultime : positionner le Québec comme une destination touristique cyclable de qualité internationale. Rien de moins.

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