Q • Comment devient-on expert du vélo de garnotte ?
R • Je vis à Trois-Rivières et, comme les cyclistes de la place le savent, il n’existe pas une tonne d’itinéraires pour aller et venir de la ville. Résultat : on pédale continuellement sur les mêmes foutues routes ! Il y a maintenant quatre ans, mon bouchon a sauté. J’ai enfourché mon vieux vélo et je suis parti explorer les chemins de gravier des environs, puis du reste de la Mauricie. Depuis, je roule sur la garnotte de 3000 à 4000 km par année. Ce que j’aime le plus, c’est qu’on peut rouler pendant des heures sans croiser âme qui vive. En outre, le vent, principal ennemi du routier, se fait oublier parce qu’on est souvent dans le bois.
Q • Est-il difficile d’élaborer des itinéraires sur ces routes ?
R • À force de rouler, j’ai bâti une banque de 30 à 40 sorties qui comprennent des segments de chemins de traverse au Québec. J’ai eu recours à une multitude d’outils. Le premier : Strava, qui permet à la fois de tracer des itinéraires qui tiennent compte des chemins privés et de consulter les trajets de camarades qu’on juge fiables. Google Maps donne quant à lui, grâce à sa fonction satellitaire, de précieuses indications sur les surfaces de roulement. Et il y a Gravelmap (gravelmap.com), un répertoire de routes de gravier exact dans 80 à 85 % des cas. Finalement, j’aime beaucoup utiliser le livre Sud du Québec/Southern Quebec Back Road Atlas – 1138. Il contient un recueil détaillé de cartes de tous les chemins d’arrière-pays du sud de la province.
Q • Comment modifie-t-on sa conduite sur de la gravelle ?
R • Avant toute chose, on change de façon de penser ! Contrairement à une sortie sur route, on y est toujours un peu en mode explorateur. Concrètement, cela signifie qu’on sait quand on part, mais pas nécessairement quand on revient. Une sortie de deux heures s’allonge facilement d’une heure ! L’état des routes y est pour beaucoup : certaines sont tapées et roulantes comme un billard alors que d’autres imposent un véritable supplice aux jambes. Les caractéristiques des chemins changent aussi en fonction du moment de l’année – au printemps et à l’automne, le fond, plus boueux, est plus instable. On dose constamment son freinage et on calcule invariablement un ou deux coups à l’avance, puisque les routes de terre battue sont plus sinueuses, moins prévisibles.
Q • Que doit-on prévoir de plus que lors d’une sortie sur la route ?
R • Il est important de rouler sur une machine adéquate. Des pneus de 700 x 28 sont un strict minimum – personnellement, j’ai du 700 x 33. Il ne faut pas avoir des développements trop restrictifs : un plateau compact à l’avant et une cassette 11-36 à l’arrière ne sont pas de refus. Côté équipement, le cellulaire, même s’il ne capte pas le signal à tous coups, vous sera inévitablement utile ; ne l’oubliez pas ! Prévoyez également davantage de nourriture et d’eau, et n’hésitez pas à munir votre vélo de sacoches supplémentaires dans lesquelles ranger tout ça. C’est certes moins sexy, mais ça risque de vous éviter bien des soucis.
Q • Des préférences pour des coins du Québec où rouler sur le gravier ?
R • Je suis vendu aux Cantons-de-l’Est, qui sont à mon avis la mecque du gravel bike. Ma conjointe et moi nous sommes acheté une résidence secondaire à Bromont exactement pour cette raison : les chemins de garnotte y sont innombrables ! Jamais une sortie n’est identique à la précédente. C’est le bonheur. Les routes autour de Victoriaville, dans Arthabaska, valent aussi le détour. C’est d’ailleurs là que se tient chaque année la Classique des Appalaches, une course formidable.